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réalité ou illusions perdues ?
26 mai 2012

Ces 600 milliards qui manquent à la France

Comment UBS organise une fraude fiscale massive à partir de la France

 

Christian Chavagneux

Jeudi 22 mars 2012 - alternatives-economiques.fr

 

C’est un livre explosif que publie aujourd’hui Antoine Peillon, grand reporter au journal La Croix. Bénéficiant d’informations de toute première main il montre comment la banque suisse UBS organise depuis la France un système massif d’évasion et de fraude fiscale vers les paradis fiscaux. A lire absolument. 

Afin de mettre en contexte les informations incroyables auxquelles il a eu accès, le journaliste a croisé différentes sources bien informées pour estimer à 590 milliards d’euros l’ensemble des avoirs français dissimulés dans les paradis fiscaux, dont 220 milliards appartenant aux Français les plus riches (le reste étant le fait des entreprises). Environ la moitié de ce total (108 milliards) seraient dissimulés en Suisse, la dernière décennie voyant fuir environ 2,5 milliards d’avoirs par an. Depuis 2000, UBS France aurait soustrait en moyenne 85 millions d’euros au fisc français chaque année, ce qui montre son importance, mais souligne également combien d’autres établissements bancaires, y compris français, participent à ce genre d’activités.

Sous certaines hypothèses, ces donnés l’incitent à estimer à 30 milliards d’euros le manque à gagner de recettes fiscales du à la fraude internationale, soit un peu plus de 10 % du total des recettes. De son côté, la Commission européenne estime l’importance de la fraude fiscale de l’ordre de 2-2,5 % du PIB des pays européens, soit pour la France de l’ordre de 40 à 50 milliards d’euros au total dont 15-20 milliards de fraude internationale.

Comment fait la banque UBS pour mener ses opérations sur notre territoire ? Environ 120 chargés d’affaires suisses seraient présents clandestinement en France pour démarcher les grosses fortunes françaises, ce qui est rigoureusement interdit par la loi mais réalisé, d’après Antoine Peillon, en toute connaissance de cause par la maison mère en Suisse. Chaque commercial est muni d’un document, le manuel du Private Banking, « véritable guide en évasion fiscale ». Afin d’être rémunéré en proportion du chiffre d’affaires qu’ils rapportent, les commerciaux sont bien obligés d’enregistrer à un moment ou un autre leurs transactions. Ils le font dans une comptabilité cachée baptisée « carnets du lait » que l’on peut trouver dissimilés dans des fichiers Excel intitulés « fichier vache ». On aura compris l’analogie : la France est une vache fiscale dont il faut traire le lait…

Les commerciaux présents en France utilisent les mêmes techniques que celles mises en évidence par la justice américaine : UBS organise des évènements mondains auxquels ils invitent clients et prospects. Dans les documents récupérés par Antoine Peillon on trouve parmi les clients les noms de footballeurs connus, et même d’un haut responsable du football international pour lequel une commerciale note après un rendez-vous à Monaco en 2002 que l’entretien fut « long et difficile, mais fructueux », ou encore un navigateur, un auteur réalisateur de cinéma et… Liliane Bettencourt. Celle-ci est tout bonnement accusée d’avoir enfoui vingt millions d’euros, entre 2005 et 2008, à l’occasion de transferts entre la France, la Suisse et l’Italie par l’intermédiaire de comptes UBS et BNP Paribas, avant de finir, affirme l’auteur, dans des enveloppes remises à des personnalités de droite.

Antoine Peillon lance de nombreuses et graves accusations dans ce livre. Mais il est sûr de ses sources : des cadres écœurés d’UBS en France, en Suisse et des services secrets français. Les preuves dont ils disposent ont visiblement été transmises à plusieurs autorités de régulation, dont l’Autorité de contrôle prudentiel en charge de la surveillance du comportement des banques. Le parquet a été saisi mais ne bouge pas, assurant une forme de protection aux gros fraudeurs. C’est pour lever cette impunité que le journaliste a décidé d’écrire ce livre. Il faut le lire et le faire connaître, pour la démocratie.

Ces 600 milliards qui manquent à la France. Enquête au coeur de l’évasion fiscale, Antoine Peillon, Seuil, 2012.

 

Extrait (Introduction) :

introduction

L’ombre des 590 milliards d’euros qui manquent à la France

« Je le sais, on aura quelque peine à me croire. Les événements que j’ai consignés dans cette relation sont en effet bien peu croyables. Car moi-même en les relatant je pense rêver. »

Henri Bosco, Une ombre, Paris, Gallimard, 1978, p. 81.

 

Juste à la veille du nouvel an 2012, ce fut une heureuse façon de terminer mon enquête. Dans cette brasserie toute proche de la Bourse, à Paris Paris, mes principales sources avaient accepté de participer à une sorte de banquet républicain. Autour de la table, j’ai réuni un ex-commissaire divisionnaire de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), Aleph, mon premier informateur, aujourd’hui haut fonctionnaire dans un service de coordination du renseignement au plus haut niveau de l’État ; Beth, tout juste arrivée de Lausanne, où elle fait partie de la haute direction du groupe bancaire suisse UBS, mais aussi trois cadres supérieurs – dont Guimel – d’UBS France, la filiale parisienne du groupe helvétique. Le lecteur fera rapidement connaissance avec chacune de ces personnes au fil des chapitres qui suivent.

Certaines d’entre elles se rencontraient pour la première fois, même si chacune connaissait, d’une façon ou d’une autre, l’existence des autres. Bien entendu, il s’agissait d’abord de se réjouir en commun du proche aboutissement d’un travail collectif de divulgation, par mon intermédiaire, d’informations jusqu’alors plus ou moins partagées entre les différents protagonistes. Mais il nous fallait encore recouper, assembler, comparer, voire confronter au moins une fois tous ensemble nos connaissances et compréhensions forcément partielles du même phénomène : l’évasion fiscale massive organisée sur le territoire français par la première banque suisse ayant pignon sur rue à Paris, mais aussi par l’ensemble du secteur financier, puisque même si, selon mes sources, UBS ne réalise qu’environ un vingtième du montant de ces opérations, celle-ci serait « championne en la matière » et ses méthodes seraient un « véritable modèle ».

 

Le premier sujet sur lequel j’ai noté, ce midi-là, un complet consensus entre mes convives est le rôle leader d’UBS dans l’évasion fiscale, en France comme cela s’est révélé officiellement aux États-Unis, depuis 2008, ou en Allemagne, depuis juin 2010. De façon plus générale, les banques suisses occupent le premier rang mondial en matière de « Private Banking », ou gestion de fortune transfrontalière pour clients privés. En 2007, elles géraient près de 27 % de toutes les fortunes privées investies hors de leurs pays d’origine (offshore). Le « Private Banking » contribue pour plus d’un tiers aux profits des deux grandes banques UBS et Crédit suisse. UBS, leader à l’échelle mondiale en matière de gestion de fortune, occupe également la première place en Suisse en ce qui concerne les opérations avec la clientèle privée et les entreprises (1).

Ainsi, les cadres d’UBS France évaluent à quelque 85 millions d’euros le montant des avoirs qui ont été soustraits par leur banque au fisc français, chaque année, en moyenne, depuis l’an 2000. « En dix ans, ce sont environ 850 millions d’euros d’avoirs qui ont échappé à l’impôt, grâce à nos seuls services d’évasion fiscale », affirme l’un d’entre eux. Beth, qui travaille au coeur du groupe UBS, à Lausanne, confirme les estimations de son collègue parisien. Elle fait remarquer que la filiale française enregistre un lourd déficit comptable structurel depuis sa création en décembre 1998, à hauteur d’environ 560 millions d’euros, ce qui devrait suffire à alerter les autorités publiques de contrôle des banques.

Beth explique : « Ce déficit n’est qu’apparent, parce que la banque française ne peut pas légalement enregistrer son chiffre d’affaires sur la commercialisation des comptes offshore non déclarés, chiffre d’affaires qui profite, au niveau comptable, directement à UBS International, c’est-à-dire à notre maison mère, à Genève, à Bâle, à Lausanne et à Zurich. Comment peut-on imaginer un seul instant qu’un groupe bancaire bien géré puisse accepter, sur plus de dix ans, un déficit structurel de plus de 50 millions d’euros par an dans l’une de ses filiales, à moins d’être particulièrement naïf, ou plutôt complaisant ? La véritable raison d’être d’UBS France, depuis sa fondation, est de couvrir le démarchage illégal des fortunes françaises pour leur vendre des comptes offshore non déclarés en Suisse, au Luxembourg, à Singapour – cette hyperstructure des paradis fiscaux –, à Hong Kong, de plus en plus, le tout étant géré depuis Genève, Lausanne, Bâle et Zurich ! » affirme la dirigeante bancaire. 

Mais, aujourd’hui, comment est-il possible que cette activité illégale puisse perdurer, alors qu’aux États-Unis, en Allemagne et, peut-être, bientôt en France l’étau judiciaire se resserre peu à peu sur le géant suisse de la gestion de fortune ? Ma question suscite un sourire amusé sur les visages de tous mes convives. Un des trois cadres supérieurs d’UBS France me remet alors la copie d’un projet d’e-mail, daté du dimanche 28 mars 2010 à 19 h 14, rédigé par Bernard U., un Suisse appartenant à la direction de la filiale parisienne, un document particulièrement sensible qui n’aurait jamais dû être perdu… J’y lis que, suite aux risques accrus de contrôles fiscaux, les financiers suisses vont perfectionner leurs dispositifs de protection des clients français d’UBS International, puisqu’« ils ont reçu l’OK de légal [c’est-à-dire l’accord du contrôleur juridique de la banque] pour pouvoir recommander des cabinets d’avocats aux clients » ! Le message de Bernard U. précise : « L’offre produits en Suisse est complète [et inclut] Ass[urance] vie et fonds général. » Cerise sur le gâteau genevois : « En plus, ils [les Suisses] peuvent placer des produits que nous en France ne pouvons pas ! ! »

Un autre des trois cadres d’UBS France embraye alors derrière son collègue et nous révèle qu’une liste manuscrite de près de 120 chargés d’affaires suisses opérant clandestinement en France, mise à jour en juin 2011, a été remise au très efficace Service national de douane judiciaire (SNDJ), lequel a depuis continué d’engranger de multiples preuves du démarchage en vue d’évasion fiscale (2). Ces chargés d’affaires vendent de l’évasion fiscale « clef en main », c’est-à-dire comprenant les conseils d’avocats spécialisés, les services d’éventuels convoyeurs et, presque toujours, la création quasi immédiate de sociétés écrans dans des paradis fiscaux exotiques. 

Car, pour que l’argent puisse arriver jusqu’à l’abri convoité du secret bancaire suisse, sur un compte bancaire non déclaré, « les méthodes sont multiples, finalement aisées et parfois folkloriques », m’explique un des banquiers d’UBS. Il y a, bien entendu, le traditionnel passage d’argent liquide à travers la frontière. Le « client » peut procéder par lui-même à ce convoyage un peu risqué, mais un spécialiste peut lui être envoyé par la banque qui accueille ses fonds, à domicile, pour assurer cette évasion sonnante et trébuchante. Dans les deux cas, une bonne formule est de traverser le lac Léman, en bateau, à partir d’Évian ou de Thonon-les-Bains (Haute-Savoie), jusqu’à Lausanne ou Genève. Dans un esprit plus montagnard, certains traversent la frontière à ski, à partir d’Avoriaz (Haute-Savoie toujours), le sac à dos chargé. On peut aussi utiliser une voiture, mais à condition qu’elle soit immatriculée en Haute-Savoie.

Mais le transfert de fonds en liquide, ou sous forme de lingots ou pièces d’or, est marginal en comparaison de la méthode beaucoup plus simple de crédit du compte non déclaré par le paiement d’honoraires, à partir de l’étranger. C’est le moyen préféré des grands médecins, avocats ou consultants, qui émettent des factures à régler directement sur leurs comptes suisses. Une troisième méthode, plus indirecte, mais plus sûre du point de vue de la dissimulation, consiste à créer (la banque suisse s’en occupe) une société écran dans un paradis fiscal et judiciaire comme le Panama ou les îles Vierges. Cette société écran, gérée par un homme de paille, ouvre elle-même un compte en Suisse et y verse les revenus – notamment les droits d’auteur ou de propriété intellectuelle – que l’ayant droit réel lui a soi-disant cédés.

Presque tous ces avoirs transférés en Suisse et ces revenus non déclarés au fisc français sont à leur tour placés dans des fonds d’investissement, au Luxembourg, ou dans des hedge funds (fonds très spéculatifs) domiciliés dans les îles Caïmans, entre autres paradis fiscaux et judiciaires, où ils génèrent des revenus supplémentaires, toujours non déclarés, à des taux élevés de rendement. Enfin, de très nombreux cadres supérieurs français de multinationales se font verser leurs salaires sur des comptes bancaires ouverts à Chypre, par exemple, ou à Jersey, lorsqu’ils travaillent à la City de Londres.

 

Deuxième sujet inscrit au menu de nos agapes, à l’ombre du palais Brongniart de la Bourse de Paris : quel est le montant total de l’évasion fiscale, en France, et donc quel est son coût réel pour les finances du pays ?

Ce phénomène est-il négligeable, ou bien pèse-t-il au contraire très lourdement sur les finances publiques et même sur l’économie de notre société ?

Pour mes spécialistes, la réponse est claire : « Les avoirs dissimulés au fisc français sont presque de l’ordre de toute la recette fiscale annuelle du pays. Ils représentent même presque cinq fois le produit de l’impôt sur le revenu en 2010 (3) ! » Devant mon évidente stupéfaction, l’un des banquiers m’explique que leur évaluation est une extrapolation bien documentée des chiffres qu’ils ont collectés chez UBS à l’ensemble du secteur de la gestion de fortune opérant en France. Il me cite ainsi quelques « concurrents importants » d’UBS en la matière : BNP Paribas, en première ligne, mais aussi le Crédit agricole, les Banques populaires, la Société générale et surtout les autres banques suisses ayant des représentants ou des comptoirs en France (4), pour estimer à au moins 2,5 milliards le montant des avoirs français évadés en Suisse, chaque année, depuis une dizaine d’années. D’ailleurs, selon le ministère de l’Économie et des Finances, entre 100 000 et 150 000 comptes suisses non déclarés appartiennent à des Français. « Si on ajoute les autres paradis fiscaux, au premier rang desquels il faut citer le Luxembourg, le Liechtenstein, les îles Anglo-Normandes et les îles Caïmans, cela représente environ 15 milliards d’euros qui se sont évadés sur la dernière décennie », conclut-il.

Au total, mes interlocuteurs évaluent unanimement les avoirs des Français fortunés dissimulés en Suisse à hauteur de quelque 100 milliards d’euros (5) et à 220 milliards d’euros environ ceux qui se cachent dans l’ensemble des paradis fiscaux. « Sur les trente dernières années, avec un rendement moyen d’au moins 7,5 % par an, voire de 10 % dans les conditions les plus aventureuses, sur ces avoirs qui travaillent à l’abri des taxes, cela représente environ 20 milliards d’euros de revenus annuels totalement soustraits à l’impôt », poursuit Beth, la spécialiste de haut niveau de la gestion de fortune chez UBS, qui navigue entre Lausanne et Zurich, « soit un manque à gagner net de près de 10 milliards d’euros pour le fisc français, chaque année ».

À ce premier handicap financier pour l’État, il faut encore ajouter les 20 milliards d’euros qui sont aussi soustraits chaque année au fisc par les banques françaises, souvent au nom des grandes entreprises et des groupes, par les placements de quelque 370 milliards d’euros dans les paradis fiscaux, selon les données de la Banque de France et du Fonds monétaire international (FMI), croisées, en mars 2009, par l’hebdomadaire Marianne (6). L’ampleur du phénomène a aussi été dévoilée en grande partie, au même moment, par le mensuel Alternatives économiques qui recensait la présence des entreprises du CAC 40 dans les paradis fiscaux. Dans leur vaste enquête, Christian Chavagneux et Marie-Salomé Rinuy révélaient « que toutes les entreprises françaises du CAC 40 sont fortement présentes dans les pays offrant des services financiers de “paradis fiscaux” (7) ». Ils précisaient surtout que « le secteur financier se révèle être le plus engagé dans les paradis fiscaux », que « BNP Paribas, le Crédit agricole et la Société générale disposent de 361 entités offshore… ».

En résumé, selon l’ensemble de toutes ces estimations encore partielles, et en termes d’avoirs des personnes les plus fortunées et des plus grandes entreprises, l’évasion fiscale française s’élève, au minimum, à 590 milliards d’euros (8), dont 108 milliards rien qu’en Suisse (9). En conséquence, chaque année, plus d’un tiers de l’impôt potentiel sur les revenus français – soit près de 30 milliards d’euros – n’est pas perçu, rien que par la dissimulation de ces avoirs et des produits financiers dans les paradis fiscaux.

 

Les chiffres de l’évasion fiscale des fortunes des ménages français ont paru être « une base » pour Gabriel Zucman, lorsque je lui en ai parlé, le 20 décembre 2011, puis le 13 janvier 2012, dans les jardins de l’École normale supérieure, boulevard Jourdan, à Paris, où j’ai pu lui confier en toute discrétion les principaux résultats de mon enquête. Le jeune normalien, doctorant à l’École d’économie de Paris, bénéficie déjà d’une grande notoriété internationale, grâce à une première communication scientifique sur « la richesse manquante des nations », publiée en février 2011 (10), qui lui a valu le prestigieux prix de la Fondation Eni Enrico Mattei, lors du congrès annuel de l’European Economic Association.

À ce jour, le travail de Gabriel Zucman sur l’évaluation méthodique du volume des richesses détenues dans les paradis fiscaux du monde entier est considéré comme étant le seul offrant une grande sûreté scientifique. Malgré sa modestie, le jeune économiste reconnaît qu’il existe certes d’« autres chiffrages », mais que ceux-ci « reposent sur pas grand-chose » et qu’ils sont donc « contestables et peu instructifs ». Cependant, il souligne que ses propres évaluations sont particulièrement « raisonnables » en comparaison de la plupart des études réalisées sur le même sujet par des cabinets de conseil en placements financiers ou par des associations de lutte contre les paradis fiscaux qui donnent souvent des chiffres beaucoup plus importants.

Quant à ceux régulièrement diffusés par la presse, à partir des informations communiquées par Bercy (ministère de l’Économie et des Finances), ils sont, à l’inverse, excessivement faibles. Ainsi, en octobre 2011, même l’union syndicale SNUI-SUD Trésor estimait que la « fraude fiscale internationale représente pour sa part entre 15 et 20 milliards d’euros de manque à gagner [pour le fisc] par an », alors que l’évaluation minimale de cette même perte par les experts d’UBS s’élève à 30 milliards. En conséquence, et tous moyens de fraude confondus (escroqueries à la TVA (11), revenus minorés ou non déclarés, travail au noir, fiscalité locale évitée, prélèvements sociaux évités et évasion fiscale, etc.), la fraude fiscale doit sans doute approcher des 80 milliards d’euros, soit de plus du double des 29 à 40 milliards évalués en 2007 par le Conseil des prélèvements obligatoires (Cour des comptes) !

Quand je lui fais part des conclusions de mes sources bancaires, Gabriel Zucman est frappé par la cohérence des évaluations des financiers d’UBS avec ses propres calculs ou avec ceux du Boston Consulting Group (12), le célèbre cabinet international de conseil en management. Sa propre enquête, réalisée à partir des anomalies mesurées précisément par le FMI dans la balance des paiements mondiale et du constat du « déséquilibre aberrant entre actifs et passifs » comptabilisés entre certains pays, l’a conduit à estimer que 6 000 milliards d’euros sont détenus, en 2011, par les ménages du monde entier dans les paradis fiscaux et que les banques suisses gèrent, à elles seules, un tiers de ces fortunes offshore. Cela signifie qu’au niveau mondial, environ 8 % de la richesse financière des ménages du monde entier sont investis hors des frontières et hors de portée du fisc de leurs pays. Or cette proportion globale peut sans doute être majorée, pour l’Europe, jusqu’à 10 %, selon le jeune économiste. Dans une mise à jour de son travail sur « la richesse manquante des nations », datée du 27 juillet 2011, Gabriel Zucman affirme qu’« un tiers de la richesse mondiale manquante est géré en Suisse… » (13).

Dès lors, grâce à la méthode de Gabriel Zucman, le calcul du montant de l’évasion fiscale des « ménages » français est faisable. Fin 2010, le patrimoine financier des Français s’élevait à 2 740 milliards d’euros. Si on applique à ce chiffre la proportion minimale de 8 %, nous obtenons quelque 219,2 milliards d’euros, soit, à 800 millions d’euros près, le chiffrage de l’évasion fiscale privée calculé par les financiers d’UBS sur la base de leur connaissance des pratiques de leur propre banque et de celles de ses « concurrentes ». Le jeune économiste tient cependant à souligner que, malgré la convergence des deux modes de calcul, nous nous situons ici « au plancher des estimations et dans des ordres de grandeur très conservateurs ».

Les leçons qu’il est dès lors possible de tirer de toutes ces données sont inédites et m’ont paru de grande importance. Tout d’abord, contrairement à l’opinion commune, les avoirs français placés sur des comptes non déclarés en Suisse ne « dorment » pas. Bien au contraire, ils produisent de substantiels dividendes, grâce à leur placement presque systématique dans des fonds d’investissement domiciliés principalement au Luxembourg, lesquels accumulaient quelque 1 000 milliards d’euros, en 2008, transférés presque totalement depuis des comptes offshore suisses.

Ensuite, cette masse considérable d’avoirs et de dividendes non déclarés, qui avoisine 10 % de la richesse privée des nations européennes, fausse lourdement les comptes internationaux de toute la zone euro. Selon le Boston Consulting Group et Gabriel Zucman, en 2010, pas moins de 2 275 milliards d’euros n’entrent pas ainsi dans les comptes de l’Europe (14), ce qui génère des distorsions importantes dans les statistiques mondiales et dégrade gravement la qualité des politiques économiques de l’Union européenne et des États. Le jeune économiste dénonce : « Pour l’Europe, cela produit l’idée absurde que cette région du monde est pauvre, endettée vis-à-vis de pays émergents comme la Chine, alors qu’elle est encore la plus riche de la planète ! Si la richesse manquante, masquée, revenait à sa source, on améliorerait beaucoup l’impôt et cela contribuerait à résoudre de façon substantielle les problèmes de financements publics. Cela ferait partie des solutions à la fameuse dette publique ! »

Dans le cadre d’une politique véritablement volontaire de liquidation de l’évasion fiscale des fortunes privées, sans parler de celle pratiquée par les grandes entreprises, Gabriel Zucman estime qu’il serait par exemple raisonnable de taxer à hauteur de 30 % les avoirs dissimulés dans les paradis fiscaux ; d’autres spécialistes préconisent même d’aller jusqu’à 50 %, comme c’est d’ores et déjà la pratique aux États-Unis. Le produit de cette taxe d’assainissement fiscal serait donc, pour l’Europe, de 667,5 milliards d’euros et, pour la France, de 66 milliards d’euros, au moins, soit 5 milliards de plus que le budget 2012 de l’Éducation nationale. Si l’on ajoute ensuite à cette première manne l’imposition constante des revenus issus des avoirs fiscalement rapatriés en France, soit près de 15 milliards d’euros par an, il n’est pas absurde de dire, avec le doctorant de l’École d’économie de Paris, que l’arrêt réel de l’évasion fiscale serait « un élément non négligeable d’un plan de sortie de crise ».

 

Enfin, un troisième sujet est venu se glisser, entre la poire et le fromage, dans l’ordre du jour de notre banquet de fin d’année. Ce fut la partie la moins ragoûtante du repas. Tous mes convives ont manifesté, chacun à sa façon, leur colère face à l’évidente inaction de la justice vis-à-vis de l’évasion fiscale en général et des délits perpétrés par UBS en France en particulier. En effet, alors que depuis la fin 2003 plusieurs services de renseignement, les enquêteurs anti-blanchiment du ministère des Finances (TRACFIN (15)), les contrôleurs de la Banque de France, puis la Brigade financière et finalement le Service national de douane judiciaire ont tous réuni les témoignages et les preuves de l’évasion fiscale massive organisée par le groupe bancaire suisse en France, alors que deux procureurs de la République ont été saisis pour les mêmes faits, en décembre 2009 et en mars 2011, alors que le gouvernement multiplie les communications martiales contre la fraude fiscale, les bureaux du siège d’UBS France, boulevard Haussmann, à Paris, n’ont toujours pas été perquisitionnés…

Aleph, le vieux routier du Renseignement intérieur, se montre le plus impitoyable de tous vis-à-vis de ses « patrons » de Bercy, de l’Intérieur et de l’Élysée. « Souvenez-vous, martèle-t-il, des rodomontades de Nicolas Sarkozy, en septembre 2009, à la veille du G20 de Pittsburgh, quand il nous assurait lors d’une interview donnée à TF1 et France 2 : “Il n’y a plus de paradis fiscaux. Les paradis fiscaux, le secret bancaire, c’est fini !” Souvenez-vous du beau discours qu’il a prononcé, le 27 janvier 2010, à Davos, pour l’ouverture du quarantième Forum économique mondial : “Nous sauverons le capitalisme et l’économie de marché, en le [sic] refondant et, oserai-je le mot, en le moralisant.” Trois semaines plus tôt, les ministères des Finances, celui du Budget et celui des Affaires étrangères venaient de fixer par arrêté la liste des États ou territoires non coopératifs (ETNC) en matière fiscale. Surprise : elle ne comportait que dix-neuf îles tropicales et pays exotiques, certes très toxiques du point de vue des moeurs financières, mais dans lesquels ne se trouvent pas même le dixième des avoirs européens non déclarés. Bien entendu, la Suisse ne figurait pas sur cette liste, alors qu’elle gère bien plus d’un tiers de nos fortunes évadées. »

Cette « mascarade » agace tout autant Beth, la banquière suisse, qui ne peut s’empêcher d’ironiser sur les déclarations viriles que Valérie Pécresse, ministre du Budget, s’est sentie obligée de faire, le 24 novembre 2011, lors d’« une assez pitoyable présentation de son bilan de la lutte contre l’évasion fiscale ». « Voici ce que j’ai entendu alors, insiste Beth : “Certains préfèrent la voie de l’amnistie, ce n’est pas la nôtre. Notre méthode, c’est la peur du gendarme…”, a clamé la ministre. Il y a de quoi rire, car le bilan de cette terrifiante méthode, c’est que sur 230 requêtes d’information fiscale adressées à dix-huit États, dont ma très chère Suisse, moins d’un tiers a reçu une réponse. Et quand réponse il y a eu, ce fut, la plupart du temps, pour confirmer des informations déjà tenues par le fisc français… Je sais que sur les 80 requêtes qui ont été envoyées aux autorités suisses, 16 seulement ont reçu une réponse. Là, c’est presque une humiliation ! »

Cette humiliation, Valérie Pécresse l’a certainement vécue le 1er décembre 2011, lorsque le gouvernement auquel elle appartient a déposé devant le Parlement un projet de loi approuvant une convention fiscale entre la France et… le Panama, c’est-à-dire un accord bilatéral qui devait permettre à ce pays de sortir aussitôt de la liste des paradis fiscaux. Pourtant, une semaine plus tôt, la ministre du Budget exposait publiquement ses réserves sur l’efficacité d’une telle convention avec un pays qui présentait des « déficiences » évidentes dans sa législation. D’ailleurs, le 4 novembre précédent, Nicolas Sarkozy avait lui-même déclaré à la tribune du G20 réuni à Cannes que le Panama faisait partie des paradis fiscaux qui devaient être « mis au ban de la communauté internationale ».

Mais, entre-temps, le président du Panama, Ricardo Martinelli, avait su convaincre son homologue français des avantages économiques qu’il y avait à se montrer moins regardant, notamment en évoquant d’importants chantiers pour lesquels Bouygues, Alstom, Alcatel et GDF-Suez sont candidats. Finalement, les sénateurs ont sauvé in extremis l’honneur de la ministre du Budget, le 15 décembre 2011, en bloquant la ratification de la convention qui avait été autorisée par le vote des députés deux jours plus tôt…

De façon générale, la prétendue volonté du gouvernement Sarkozy-Fillon de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales se solde par un fiasco symbolique. En mars 2009, Éric Woerth, alors ministre du Budget, affirmait qu’il allait traquer les fraudeurs, en recevant, à Bercy, quelque 600 des 23 000 contrôleurs du fisc, des douanes et de différents organismes sociaux afin de les mobiliser dans la chasse aux évadés fiscaux. À la fin de l’été 2009, le ministre déclarait même posséder une liste de 3 000 ressortissants français possédant des comptes bancaires non déclarés en Suisse et menaçait de l’exploiter pour forcer les évadés fiscaux à déclarer leurs avoirs au fisc. Heureusement pour les fraudeurs et autres évadés fiscaux, un arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2012 a réduit à néant cette croisade en jugeant qu’un fichier volé ne peut fonder en droit une autorisation de perquisition fiscale…

Au-delà des éventuelles perquisitions, c’est l’ensemble des contrôles fiscaux qui sont dès lors juridiquement fragilisés. Un avocat interrogé par Libération sur les conséquences du jugement de la Cour de cassation expliquait ainsi : « Cet arrêt pourrait également être utilisé devant un tribunal administratif pour faire tomber un contrôle fiscal qui a déjà eu lieu. À partir du moment où un juge a décidé que les fichiers HSBC étaient des preuves illicites pour une perquisition fiscale, rien n’empêche d’autres magistrats de considérer que ces preuves n’ont pas plus de valeur pour un contrôle fiscal ! » Une fois de plus, l’actuelle ministre du Budget, Valérie Pécresse, a dû manger son chapeau. Le 2 février 2012, lors d’une visite médiatisée dans les locaux de la jeune Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF), elle grondait : « Nous allons resserrer l’étau sur les gros fraudeurs.» Elle n’avait sans doute pas connaissance de l’arrêt de la Cour de cassation rendu deux jours plus tôt. Ou peut-être faisait-elle semblant de l’ignorer.

Plus troublant encore, le 10 février 2012, le procureur de Nice, Éric de Montgolfier, a révélé qu’à l’époque où le ministre du Budget se lançait dans une communication bruyante sur sa liste HSBC de 3 000 noms lui-même travaillait judiciairement sur la même liste, mais qu’elle comportait en réalité 8 000 identités, dont celle de Patrice de Maistre qui était alors le gestionnaire de la fortune de Liliane Bettencourt et, à ce titre, l’employeur de Florence Woerth, l’épouse du ministre (16)… Le procureur de Nice a aussi dévoilé que le ministère de la Justice lui avait donné l’ordre, toujours à la même époque, de restituer les données du dossier HSBC aux autorités suisses afin de mettre fin à ses investigations (17).

En mai 2009, l’ancien procureur général de Genève, Bernard Bertossa, célèbre pour sa lutte acharnée contre l’« argent sale » dans les années 1990, déclarait, pour commenter les décisions du G20 qui s’était tenu à Londres le 2 avril précédent : « Les gouvernements anglais et français n’ont jamais levé le petit doigt pour combattre les paradis fiscaux. Et ils viennent maintenant nous faire croire que c’est en luttant contre les paradis fiscaux que l’on va résoudre la crise, c’est une tromperie : on est là dans une stratégie de diversion (18). » Le 16 septembre 2011, le journaliste d’investigation Denis Robert, qui a révélé en 2001 les malversations financières opérées à l’abri de la chambre de compensation luxembourgeoise Clearstream, ajoutait : « Au-delà des effets d’annonce, les paradis fiscaux ne se sont jamais aussi bien portés (19). » Le 1er décembre 2011, le rapport annuel sur la perception de la corruption dans le monde publié par l’association Transparency International estimait que les difficultés économiques de la zone euro sont « en partie liées à l’incapacité des pouvoirs publics à lutter contre la corruption et l’évasion fiscale qui comptent parmi les causes principales de la crise ».

 

Les chapitres qui suivent proposent une exploration totalement inédite des mécanismes concrets de l’évasion fiscale organisée en France à très grande échelle, au vu et au su de nombreux services d’enquête et de contrôle (renseignement, police, douanes, fisc, etc.), mais jusqu’ici en toute impunité judiciaire. Certaines pages pourront paraître parfois un peu techniques, de même que de nombreux documents cités en exclusivité sembleront relativement opaques à celles et ceux qui ne connaissent pas grand-chose à la finance ni aux techniques bancaires. Mais surmonter ces légères difficultés de lecture est sans doute le prix à payer pour s’assurer de l’exactitude et de l’authenticité des informations produites, ce qui, en matière d’investigation journalistique, est une double exigence nécessaire, surtout lorsque le sujet abordé est manifestement si politiquement sensible qu’il produit toutes les tentatives possibles et imaginables d’occultation, voire d’intimidation.

 

Notes :

1. Source : SwissBanking – Association suisse des banquiers (2012).

2. Selon mes informations, le SNDJ devait achever l’essentiel de son enquête sur UBS dans le courant du mois de février 2012.

3. La recette fiscale totale (recettes nettes du budget général) de la France, en 2010, est de 267,2 milliards d’euros. Celle de l’impôt sur le revenu est de 54,7 milliards d’euros, toujours en 2010.

4. Principalement : Crédit suisse, Julius Baer, Mirabaud Gestion, Pictet.

5. L’Agefi donne 69 milliards d’euros d’avoirs français privés (non comptés ceux des entreprises et groupes, donc) déposés en Suisse, dont 50,75 milliards d’euros d’avoirs non déclarés (15 décembre 2011).

6. Emmanuel Lévy, « Les paradis fiscaux abritent 532 milliards de dépôts français », Marianne, 29 mars 2009.

7. Le rapport d’information du député UMP Gilles Carrez sur l’application des lois fiscales, déposé le 6 juillet 2011, relève aussi très prudemment la performance de l’«optimisation» fiscale des entreprises du CAC 40.

8. Soit 35 % de la dette publique record de la France, à la fin du troisième trimestre 2011 (1 688,9 milliards d’euros) !

9. La société genevoise d’ingénierie financière Helvea estimait les avoirs français privés placés sur des comptes suisses non déclarés à 80,4 milliards d’euros, en 2007.

10. « The Missing Wealth of Nations », mémoire cité.

11. Gilles Duteil, directeur du Groupe européen de recherche sur la délinquance financière et la criminalité organisée (Université d’Aix-Marseille), estime que l’« escroquerie » sur la TVA représente 10 à 15 milliards d’euros de pertes pour la France, par an.

12. Boston Consulting Group Global Wealth Market-Sizing Database, 2010.

13. Cette dernière affirmation est « basée sur les données de la Banque nationale suisse », selon l’économiste.

14. La seule part de la fortune privée européenne placée sous le secret bancaire suisse est, selon le Boston Consulting Group, de 743 milliards d’euros en 2010 !

15. « Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins » : service d’enquête administrative et de lutte contre le blanchiment.

16. Lire, plus loin, le chapitre sur « L’intouchable Mme Bettencourt ».

17. Mediapart, 10 février 2012.

18. Témoignage chrétien, 14 mai 2009.

19. Site Les Inrocks, 16 septembre 2011.

 

 

Un internaute mentionne (le 25 mars 2012 à 23:23) :

Cet article c’est du Bibi Fricotin.

J’ai fait ce métier pendant 20 ans. J’ai transporté en petites coupures, des fonds allant jusqu’à environ un million de dollars équivalent, à chaque voyage, avec lesquelles j’ai passé des frontières (pas la frontière française, mais d’autres frontières). J’ai tenu ce que l’auteur appelle un “carnet du lait”. Et c’est vrai que cette expression a existé et a fait partie d’un certain jargon, de la vieille école des années d’après guerre. Mais aujourd’hui c’est du passé. Je connais les petits trucs de ce métier, les affaires de compensation, les passeurs, etc. Je sais bien comment les grands personnages des affaires de la politique et de la finance ont eu recours à ces méthodes, sans en parler. De toute façon d’une manière ou d’une autre ça existera toujours. C’est comme tous les plus vieux métiers du monde. Aussi longtemps que le monde sera monde il y aura de l’évasion fiscale car trop d’impôt tue l’impôt.Mais ce monsieur Peillon est complètement à côté de la plaque. Son livre c’est les Pieds Nickelés au pays du secret bancaire. C’est un folklore dépassé. Ce qu’il raconte est obsolète depuis 20 ans. C’est Astérix chez les Helvètes.

Alors que penser de ce Peillon? Il est très mal informé. Il n’y connait rien. Je considère des gens comme lui comme des mouchards de bas niveau qui n’y connaissent rien. Il veut faire un peu de buzz avec des tuyaux complètement percés.

Je donne un tuyau à M. Peillon. Il devrait aller se renseigner auprès de Me Nicolas Sarkozy, un avocat d’affaires bien connu sur la place de Genève. Ce spécialiste expérimenté pourra lui expliquer comment les choses se passent vraiment.

La place financière et le secret bancaire vont passer un sale moment. Tout le monde en est conscient. Mais ne croyez pas qu’une activité qui existe depuis au moins Louis XIV va disparaître simplement à cause des révélations bidon de M. Peillon du journal La Croix. La bonne blague! Cette activité répond et répondra encore longtemps à un besoin absolument évident et légitime de protéger les Français contre les différents absolutismes spoliateurs qui se sont succédés depuis des siècles. Elle se poursuivra, c’est certain, car quand on aura épuisé tous les succédanés de Suisse qui existe dans le monde (Singapour, Iles Vierges, Delaware, Floride etc), on finira par revenir à la Suisse, dans 20 ans. Et ce n’est pas demain la veille que le marché se tarira.

M. Peillon s’est renseigné auprès de ringards du temps de grand papa. Ce qu’il raconte correspond aux méthode de l’époque 1981. Aujourd’hui on est devens beaucoup plus sophistiqués. M. Peillon n’est absolument pas crédible. Je ne peux absolument pas m’imaginer que même à Bercy, où l’on n’est pourtant pas très dégourdis, on gobe ses bobards.

Un dernier mot, et après je me tais, ne souhaitant pas m’attirer des ennuis maintenant que je suis retiré des affaires. Vous vous souvenez de l’affaire Bettencourt, Woerth? Vous n’avez jamais pensé que le majordome de la vieille dame aurait pu être utilisé pour donner un avertissement à tous les Woerth et tous les Sarkozy Hollande et consorts: Ne marchez pas sur les palattebandes des banques suisses. Sinon..!

 

Un autre internaute réplique (le 26 mars 2012 à 17:22) :

@ Paul Martin, vous êtes retiré des affaires ? Alors de quel droit mettez-vous en doute l`enquête poussée de Peillon que vous avalisez en partie (paradoxalement!). Ceci-dit, je suis en partie d`accord avec vous, ça n`est pas près de changer! (étant un observateur attentif de ce qui se pratique, sans toutefois être directement impliqué), je peux vous assurer que les propos de Peillon sont parfaitement vrais et on ne peut plus actuels !

Pis, sur certains points, il est bien en-deça de la réalité! Mais le brave peuple mouton n`y voit que du feu. Les politiques, quels qu`ils soient, sont de simples pantins! Pour utiliser un terme peu usité et très pertinent, on assiste actuellement à une véritable rupture anthropologique entre d`une part une caste (supérieure en nombre cependant au commode 1% , disons une bonne 15zaine de %) et le reste, qui constitue une partie non négligeable de l`Humanité. Cette partie-là est totalement manipulée (rien de vraiment nouveau), mais la crise orchestrée aidant, elle se retrouve en situation de sidération permanente (grâce aux mensonges et à la propagande médiatique, face à une réalité qui leur échappe totalement! Les premiers vivent vraiment, les autres vivotent, se réfugiant en réalité dans le déni, tentant de sauver ce qui peut l`être des apparences…

 

 

Autre extrait d'intervenant à ce sujet :

Gabriel Zucman: « Le combat contre l’évasion fiscale n’est pas mené alors qu’il est gagnable »

La Suisse accueille un tiers de l’évasion fiscale mondiale.

Pour Gabriel Zucman, chercheur à l’École d’économie de Paris, auteur d’une étude sur le sujet, la solution passe par un échange automatique des informations fiscales entre les États.

 

VOUS VENEZ DE PUBLIER UNE ÉTUDE SUR L’ÉVASION FISCALE DES MÉNAGES (1). QUELLES SONT VOS CONCLUSIONS ?

Gabriel Zucman : Pour évaluer cette évasion, je me suis intéressé à la différence entre les dettes et les créances mondiales. Cette anomalie statistique est due à tous les avoirs que les particuliers possèdent via des paradis fiscaux. Ces avoirs ne sont pas enregistrés dans les statistiques d’investissements internationaux. Ce travail m’a pris plus de deux ans. J’estime que 8 % du patrimoine financier des ménages est placé dans les paradis fiscaux, soit 6 000 milliards d’euros. Un tiers de cette somme se trouve en Suisse. La moitié des comptes suisses appartient à des Européens. Les multinationales utilisent aussi les paradis fiscaux pour payer moins d’impôts. Elles réalisent des transactions intra-groupe, à des prix fictifs, pour faire apparaître leurs profits dans les pays où ils sont les moins taxés.

 

QU’EST CE QUI EST LÉGAL ET ILLÉGAL DANS L’ÉVASION FISCALE ?

G. Z. : Il est légal, pour un Français, de placer son argent en Suisse ou dans n’importe quel autre pays étranger. À condition de déclarer la valeur de ces placements au fisc français – notamment pour le calcul de l’impôt sur la fortune – ainsi que les revenus qu’ils génèrent. L’évasion fiscale, en France, représenterait 250 milliards d’euros. Le manque à gagner chaque année pour le fisc se monterait ainsi à cinq milliards d’euros. C’est à peu près le montant du budget du ministère de la justice.

 

QUELLE EST L’EFFICACITÉ DU G20 CONTRE LES PARADIS FISCAUX ?

G. Z. : À Londres, en 2009, les pays du G20 ont proposé aux paradis fiscaux d’être rayés de la liste noire de l’OCDE, moyennant la signature de traités d’échanges d’informations, avec plus de 12 pays. Pour être significatifs, il faudrait que ces échanges d’informations fiscales soient automatiques. Ce n’est pas le cas. Le fisc français doit fournir des données nominatives très précises quand elle demande une information à l’administration suisse. En gros, il doit avoir la réponse à sa question pour pouvoir la poser… Moyennant quoi, le volume d’informations échangées entre la France et les paradis fiscaux reste négligeable, de l’ordre d’une centaine par an. Le combat fiscal n’est pas mené, alors qu’il est facilement gagnable. L’Union européenne ou les États-Unis pourraient forcer les paradis fiscaux à échanger automatiquement leurs informations. L’administration américaine a réussi à obliger la banque suisse UBS à coopérer, en menaçant de lui retirer sa licence bancaire aux États-Unis.

 

LA POSITION SUISSE A-T-ELLE ÉVOLUÉ ?

G. Z. : La Suisse essaie d’empêcher cet échange automatique d’informations. Elle a proposé au fisc allemand de prélever un impôt sur les revenus que les Allemands touchent de leurs comptes en Suisse. Berne reverse ensuite la somme à l’Allemagne. Mais l’État allemand bénéficiaire n’a aucun moyen de vérifier que les banques suisses jouent le jeu. En 2005, l’Union européenne avait instauré un système équivalent, qui devait être transitoire. Les banquiers suisses ont complètement détourné l’esprit de cet impôt européen.

 

(1) The Missing Wealth of Nations, mars 2012, Quarterly Journal of Economics

Recueilli par Pierre COCHEZ

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