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réalité ou illusions perdues ?
10 mars 2012

Rapport sur le travail et les salaires dans le monde 2010/2011

Rapport sur le travail dans le monde 2011

Des marchés au service de l’emploi


ORGANISATION INTERNATIONALE DU TRAVAIL INSTITUT INTERNATIONAL D’ÉTUDES SOCIALES

Résumé

Le ralentissement économique pourrait entraîner une rechute pour l’emploi...

Les prochains mois seront cruciaux pour éviter une rechute de l’emploi et une nouvelle dégradation du climat social. L’économie mondiale, qui commençait à se relever de la crise mondiale, est entrée dans une nouvelle phase de ralentissement économique. Dans les grandes économies avancées, la croissance économique marque le pas et certains pays sont à nouveau entrés en récession, en particulier en Europe. La croissance a également faibli dans certains grands pays émergents ou en développement.

Si l’on se fie à l’expérience passée, il faudra environ six mois pour que le ralentissement économique en cours affecte le marché du travail. En effet, alors qu’il avait été possible immédiatement après la crise mondiale de reporter ou d’atténuer les pertes d’emploi dans une certaine mesure, cette fois-ci le ralentissement pourrait avoir des répercussions plus rapides et plus fortes sur l’emploi. Après la chute de Lehman Brothers en 2008, de nombreuses entreprises viables, s’attendant à un ralentissement temporaire de leur activité, avaient été enclines à conserver leur personnel. Aujourd’hui, après trois années de crise, l’environnement est devenu plus incertain pour les entreprises, alors que les perspectives économiques continuent de se détériorer. La préservation des emplois pourrait par conséquent être moins fréquente.

En outre, les dispositifs publics de soutien à l’emploi et aux revenus, qui ont démontré leur réelle capacité à amortir les pertes d’emploi et à soutenir les pratiques de maintien de l’emploi dans les entreprises viables au début de la crise mondiale, pourraient être revus à la baisse dans le cadre des mesures d’austérité budgétaire adoptées dans un nombre croissant de pays. Finalement, et plus fondamentalement, alors qu’en 2008-2009 les pays, et en particulier ceux du G20, avaient essayé de coordonner leurs politiques, il est clair qu’ils agissent désormais de manière isolée. Cela conduit à des politiques visant à renforcer la compétitivité et les mesures de préservation de l’emploi pourraient en être les premières victimes.

Un ralentissement de l’emploi a déjà commencé à poindre (chapitre 1). C’est le cas dans près de deux tiers des économies avancées et dans la moitié des économies émergentes ou en développement pour lesquelles nous disposons de données.

1Entre-temps, les jeunes continuent d’arriver sur le marché du travail. De ce fait, environ 80 millions de créations nettes d’emploi seront nécessaires au cours des deux prochaines années pour rétablir les niveaux d’emploi d’avant la crise (dont 27 millions dans les économies avancées et le reste dans les pays émergents ou en développement – voir tableau 1). Au regard de la conjoncture actuelle, l’économie mondiale ne devrait pouvoir créer que la moitié environ des emplois nécessaires. On estime par ailleurs que l’emploi dans les économies avancées ne reviendra aux niveaux d’avant la crise qu’en 2016, c’est-à-dire un an plus tard que le délai estimé par le Rapport sur le travail dans le monde 2010.

... aggravant les inégalités et le mécontentement social...

Selon une étude menée pour les besoins de ce Rapport, alors que la reprise déraille, le mécontentement social se répand (Graphique 1). Dans 40 pour cent des 119 pays pour lesquels ont pu être produites des statistiques, le risque de troubles sociaux a considérablement augmenté depuis 2010. De la même manière, 58 pour cent des pays enregistrent une hausse du pourcentage de personnes qui déclarent une détérioration de leur niveau de vie. La confiance dans l’aptitude des gouvernements à faire face à cette situation s’est affaiblie dans la moitié des pays.

Le Rapport montre que le niveau de mécontentement social dépend à la fois de l’évolution de l’emploi et de la perception selon laquelle le fardeau de la crise est équitablement réparti. Le mécontentement social s’est intensifié dans les économies avancées, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et, bien que dans une moindre mesure, en Asie. En revanche, il semblerait s’être stabilisé en Afrique subsaharienne et a même diminué en Amérique latine.

... et retardant d’autant la reprise économique

La détérioration de la conjoncture sociale et de l’emploi est en train d’affecter à son tour la croissance économique. Dans les économies avancées, la consommation des ménages – un moteur essentiel de la croissance – est molle parce que les travailleurs sont plus pessimistes quant à leurs perspectives d’emploi et de salaire (tableau 2). Les indicateurs montrent qu’aux Etats-Unis et dans plusieurs pays européens les travailleurs s’attendent à une stagnation voire à une chute de leur rémunération. Les incertitudes en matière de consommation, conjuguées aux faiblesses chroniques du système financier dans les économies avancées, dépriment les investissements dans tous les pays, y compris dans les économies émergentes ou en développement qui dépendent principalement des exportations pour leur croissance et la création d’emplois.

En bref, un cercle vicieux s’est mis en place: l’économie affaiblie affecte les emplois et le climat social, ce qui déprime les investissements réels et la consommation, donc l’économie, et ainsi de suite.

 

Le cercle vicieux peut être interrompu si l’on met les marchés au service de l’emploi – et non l’inverse

Les tendances récentes illustrent le fait que l’on n’a pas accordé suffisamment d’attention à l’emploi comme moteur clé de la reprise. Les pays se sont peu à peu focalisés sur l’apaisement des marchés financiers. Dans les économies avancées en particulier, le débat a souvent tourné autour de la rigueur budgétaire et des moyens pour venir en aide aux banques – sans nécessairement réformer les pratiques bancaires qui ont conduit à la crise, ni offrir de perspectives de redressement de l’économie réelle. Dans certains cas, cela s’est accompagné de mesures qui ont été perçues comme une menace pour la protection sociale et les droits des travailleurs. Ce qui ne va pas stimuler la croissance ni l’emploi.

Parallèlement, la régulation du système financier – l’épicentre de la crise mondiale – n’est pas encore satisfaisante. Dans les économies avancées, le système financier ne remplit toujours pas son rôle traditionnel d’intermédiaire vis-à-vis de l’économie réelle. De leur côté, les économies émergentes ont été affectées par l’afflux massif de capitaux volatiles (chapitre 2).

En pratique, cela signifie que l’emploi est considéré comme secondaire par rapport aux objectifs financiers. Il est frappant de constater que, si la plupart des pays se sont maintenant dotés de plans de consolidation budgétaire, une seule grande économie avancée – les Etats-Unis – a annoncé un plan d’ensemble en faveur de l’emploi. Ailleurs, les politiques de l’emploi sont souvent regardées à travers le prisme budgétaire.

Il est urgent de passer à la vitesse supérieure. La marge de manœuvre pour obtenir un effet de levier sur la création d’emplois et de richesses se réduit à mesure que l’exclusion du marché du travail commence à se manifester et que le mécontentement social augmente.

Cela exige, premièrement, de garantir une corrélation plus étroite entre salaires et productivité, en commençant par les pays excédentaires...

Il est temps de reconsidérer les politiques de «modération salariale». Ces vingt dernières années, la majorité des pays ont enregistré un recul de la part du travail dans le revenu national – ce qui veut dire que les revenus réels des salariés et des travailleurs indépendants ont, en moyenne, augmenté moins vite que ne le justifierait la prise en compte des gains de productivité. La modération salariale ne s’est pas traduite non plus par un surcroît d’investissement réel: entre 2000 et 2009, plus de 83 pour cent des pays ont connu une hausse de la part des profits dans le PIB mais ces profits ont davantage servi à verser des dividendes plutôt qu’àinvestir (chapitre 2). Il n’existe d’ailleurs pas de preuve tangible que la modération salariale aurait dynamisé les perspectives d’emploi (chapitre 3).

En réalité, la modération salariale a contribué à alimenter les déséquilibres globaux qui, couplés aux insuffisances du système financier, ont conduit à la crise et à sa perpétuation. Dans les économies avancées, la stagnation des salaires a créé un terrain fertile pour une croissance fondée sur des dépenses financées à crédit – ce qui n’est tout simplement pas viable. Et dans certains pays émergents ou en développement, la modération salariale faisait partie intégrante des stratégies de croissance basées sur les exportations vers les économies avancées – et cette stratégie elle non plus n’est pas viable.

En garantissant un lien plus étroit entre salaires et productivité, on contribuerait à combler le déficit mondial de la demande. En outre, cette approche équilibrée permettrait d’éviter aux gouvernements qui ont des contraintes budgétaires de devoir stimuler l’économie. Dans de nombreux pays, les niveaux de profitabilité sont tels que l’alignement de la hausse des salaires sur la productivité permettrait aussi de soutenir l’investissement.

La politique devrait évidemment s’adapter aux contextes nationaux. Cela passe nécessairement par le dialogue social et la négociation collective, par la mise en place de mécanismes de salaire minimum bien conçus et par le déploiement de nouveaux efforts pour promouvoir les normes fondamentales du travail. Conscientes de cela, les économies excédentaires comme l’Allemagne, la Chine, le Japon et la Fédération de Russie, ont une position de compétitivité forte et disposent donc de marges de manœuvre supérieures aux autres pays pour conduire ce type de politique. Une évolution plus équilibrée des revenus dans les pays excédentaires serait de l’intérêt de ces pays tout en contribuant à la reprise dans les pays déficitaires, en particulier dans ceux de la zone euro qui ne peuvent pas compter sur une dévaluation de leur monnaie pour recouvrer leur compétitivité perdue.

... deuxièmement, de soutenir l’investissement réel, en particulier par la réforme financière...

Aucune reprise de l’emploi ne sera possible sans restaurer le crédit aux petites entreprises viables. Dans l’UE, le pourcentage net de banques faisant état d’un resserrement des conditions de prêt est resté positif tout au long de 2011; quand on demande aux entreprises de l’UE quel est le problème le plus urgent qu’elles ont rencontré entre septembre 2010 et février 2011, un cinquième des petites entreprises cite les difficultés d’accès au financement. Un appui ciblé pourrait leur être apporté en garantissant le crédit, en déployant des médiateurs pour revoir les refus opposés aux demandes de crédit émanant de petites entreprises, et en fournissant des liquidités directement aux banques pour financer les opérations des petites entreprises. Ces mesures ont déjà été prises dans des pays comme le Brésil et l’Allemagne.

Les pays en développement bénéficient d’une grande marge pour augmenter l’investissement dans les régions rurales et agricoles (chapitre 4). Cela suppose de bien cibler l’investissement public mais aussi d’infléchir la spéculation financière sur les denrées alimentaires afin de réduire la volatilité des prix. Les prix des denrées alimentaires ont été deux fois plus volatiles pendant la période 2006-2010 qu’au cours des cinq années précédentes. De ce fait, toute augmentation du revenu agricole est perçue par les producteurs – en particulier les plus petits – comme temporaire. Les producteurs se voient donc privés d’un horizon stable, nécessaire pour investir les gains de revenus agricoles, ce qui perpétue les pénuries alimentaires et gâche les opportunités de travail décent.

... troisièmement, de maintenir et, dans certains cas, de renforcer les programmes axés sur l’emploi financés par une assiette fiscale élargie...

Aucun pays ne peut se développer en creusant à l’infini son déficit et en alourdissant sa dette publique. Cependant, les efforts déployés pour réduire cet endettement et ces déficits se sont exagérément, et de manière contreproductive, concentrés sur des programmes sociaux et de marché du travail. En effet, les coupes budgétaires dans ces domaines doivent être soigneusement évaluées, en termes d’effets directs et indirects. Par exemple, la réduction des programmes de soutien au revenu peut à court terme mener à des réductions de coûts mais elle peut également accentuer la pauvreté et la baisse de la consommation, avec des effets durables sur le potentiel de croissance et le bien-être individuel.

Une approche favorable à l’emploi axée sur des mesures rentables sera essentielle pour éviter une nouvelle détérioration de l’emploi. Des programmes pro-emploi bien conçus confortent la demande tout en facilitant un retour plus rapide vers les conditions qui prévalaient sur le marché du travail avant la crise. En période de crise, le soutien précoce s’avère payant grâce à la réduction des risques d’exclusion du marché du travail, ainsi qu’aux gains de productivité. Les effets positifs sur l’emploi d’une meilleure adéquation au marché du travail compensent les effets négatifs résultant de l’éviction du secteur privé. Si l’on augmente d’un demi pour cent du PIB les dépenses consacrées aux politiques actives du marché du travail, l’emploi s’accroitrait de 0,2 à 1,2 pour cent à moyen terme, selon les pays (chapitre 6). Bien que ces estimations ne fournissent que des ordres de grandeur, elles suggèrent néanmoins que cette approche est compatible avec les objectifs budgétaires à moyen terme.

De plus, ces programmes axés sur l’emploi ne sont pas onéreux pour les deniers publics. Si nécessaire, de nouvelles ressources pourront être dégagées pour financer des dépenses indispensables. A cet égard, le Rapport note qu’il existe des possibilités pour élargir l’assiette fiscale, notamment en taxant la propriété et certaines transactions financières (chapitre 5). Ces mesures contribueraient à une meilleure efficacité économique et permettraient de partager plus équitablement le fardeau de l’ajustement et par là-même d’apaiser les tensions sociales. La nature hétérogène de la reprise exige cependant d’appliquer cette approche au regard des circonstances propres à chaque pays.

... et de replacer l’emploi en tête de l’agenda mondial

La responsabilité de mettre les marchés au service de l’emploi incombe en premier lieu aux gouvernements nationaux. Ils ont à leur disposition une vaste panoplie de mesures s’inspirant du Pacte mondial pour l’emploi de l’OIT – qu’il s’agisse de programmes de protection sociale favorables à l’emploi, de réglementations bien adaptées en matière de salaire minimum et d’emploi ou de dialogue social fructueux – qui peuvent être rapidement mobilisées et articulées avec des conditions macroéconomiques et financières favorables à l’emploi. C’est surtout dans la zone euro, là où les signes d’affaiblissement économique sont les plus forts, qu’il importe d’agir rapidement sur ce front.

La coordination politique internationale est elle aussi un enjeu essentiel, même si la tâche est devenue plus ardue avec la diversité des situations conjoncturelles des pays. Toutefois, les conclusions du Rapport rappellent qu’une récession de l’emploi dans une région donnée affectera, tôt ou tard, la conjoncture économique et sociale des autres régions. D’autre part, l’interdépendance des économies signifie que si les pays agissent de manière coordonnée les effets bénéfiques pour l’emploi s’en trouveront amplifiés. A cet égard, le G20 a un rôle majeur à jouer pour maintenir l’emploi, tout comme les enjeux budgétaires et financiers, en tête des priorités de l’agenda global. Sur ce plan-là aussi, le temps presse.

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World of Work Report 2011: Making Markets Work for Jobs (rapport intégral en anglais)


Rapport Mondial sur les Salaires 2010/11. Politiques salariales en temps de crise (rapport intégral) 

Deuxième d’une série de rapports du BIT axés sur l’évolution des salaires, le présent volume passe en revue les tendances des salaires aux niveaux mondial et régional durant les années de la crise économique et financière de 2008 et 2009. 

Dans la partie I du rapport, on s’est attaché à mettre en évidence le ralentissement de la croissance des salaires moyens mensuels ainsi que certaines fluctuations à court terme de la part des salaires. Ces changements se sont produits dans un contexte de modération salariale au cours des années qui ont précédé la crise et d’accentuation de l’inégalité salariale sur le long terme depuis le milieu des années 1990.

La partie II du rapport est consacrée à l’analyse du rôle des politiques salariales en période de crise et de redressement. La négociation collective et les salaires minima peuvent contribuer à la réalisation d’un redressement équilibré et équitable en garantissant que les familles des travailleurs reçoivent leur part des fruits de la croissance économique. Parallèlement, en empêchant la baisse du pouvoir d’achat des travailleurs faiblement rémunérés, on peut faciliter un redressement plus rapide par le soutien apporté à la demande globale. Il est démontré dans le rapport que les stratégies et la conception des politiques sont d’une importance capitale pour faire en sorte que les travailleurs faiblement rémunérés bénéficient de la représentation syndicale et des salaires minima, et l’on fait valoir que les politiques salariales doivent être complétées par des prestations liées au travail et autres transferts de revenu soigneusement élaborés. 

La partie III se présente sous forme de conclusion avec un résumé du rapport et la mise en évidence des questions qui revêtent une grande importance pour l’amélioration des politiques salariales.

 

Rapport mondial sur les salaires 2010/11

Politiques salariales en temps de crise

Tendances récentes

La crise financière et économique mondiale a provoqué un ralentissement considérable du rythme de la croissance des salaires réels dans le monde entier. Sur la base des statistiques nationales officielles de 115 pays et territoires, nous estimons dans le Rapport mondial sur les salaires 2010/11 que la croissance des salaires mensuels moyens a baissé, passant de 2,8 pour cent avant la crise en 2007 à 1,5 pour cent en 2008 et 1,6 pour cent en 2009. Si l’on exclut la Chine (où les statistiques officielles ne couvrent que les «établissements urbains» liés à l’État), nous calculons dans le rapport que la croissance des salaires réels a baissé, passant de 2,2 pour cent en 2007 à 0,8 pour cent en 2008 et à 0,7 pour cent en 2009. Si le rythme de la croissance des salaires s’est ralenti dans quasiment tous les pays, il s’est avéré négatif dans plus d’un quart des pays et territoires inclus dans notre échantillon en 2008, et dans un cinquième de ces derniers en 2009.

Figure 1 - Croissance des salaires au niveau mondial, 2006–09 (évolution d’une année sur l’autre, en pourcentage)

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Note: La croissance des salaires au niveau mondial calculée est la moyenne pondérée de la croissance, réelle ou estimée, d’une année sur l’autre des salaires mensuels moyens réels dans 115 pays et territoires, couvrant 94 pour cent de tous les salariés dans le monde. Pour la couverture et la méthodologie, voir le Rapport mondial sur les salaires 2010/11, appendice technique I.

Source: Base de données mondiale du BIT sur les salaires.

Il y a des variations régionales considérables de la croissance des salaires (voir la figure 2). Dans les pays avancés, nous estimons dans le rapport que, après avoir augmenté d’environ 0,8 pour cent par an avant la crise, les salaires réels ont effectivement baissé de −0,5 pour cent au début de la crise en 2008, avant de croître à un taux de 0,6 pour cent en 2009. En Europe orientale et en Asie centrale, la croissance des salaires réels est passée d’une moyenne d’environ 17 pour cent en 2007 (quand les salaires étaient encore en train de remonter après l’effondrement qui est survenu dans les premiers stades de la transition) à 10,6 pour cent en 2008 et à −2,2 pour cent en 2009(1). En Europe centrale et orientale, la croissance des salaires réels a baissé, passant de 6,6 pour cent en 2007 à 4,6 pour cent en 2008 et à −0,1 pour cent en 2009. En Asie, les salaires réels ont augmenté de plus de 7 pour cent tout au long de la période 2006–09, avec des taux de 7,2 pour cent en 2007, de 7,1 pour cent en 2008 et de 8 pour cent en 2009. En Amérique latine et dans les Caraïbes, la croissance des salaires réels s’est ralentie, selon les estimations, passant de 3,3 pour cent en 2007 à 1,9 pour cent en 2008 et à 2,2 pour cent en 2009. Pour l’Afrique, nous estimons provisoirement qu’en 2007, les salaires mensuels moyens ont augmenté d’environ 1,4 pour cent avant de baisser à 0,5 pour cent en 2008 et de rebondir à 2,4 pour cent en 2009. Au Moyen-Orient, il est trop tôt même pour procéder à une estimation approximative de la croissance des salaires en 2008 et en 2009, car trop peu de pays ont notifié leurs données en la matière jusqu’ici. Cependant, les données disponibles pour les années antérieures laissent penser que les salaires des travailleurs au Moyen-Orient (dont une grande partie est formée de travailleurs migrants) n’ont pas augmenté très rapidement avant la crise.

(1)Comme cela a été souligné dans le Rapport mondial sur les salaires 2008-09, la croissance rapide des salaires avant la crise dans les pays de la Communauté des États indépendants (CEI) faisait intrinsèquement partie du processus de redressement consécutif à l’effondrement des salaires qui s’est produit au stade initial de la transition économique au début des années quatre-vingt-dix. En outre, la croissance de l’emploi dans les pays de la CEI a été relativement faible dans les années qui ont précédé la crise, de sorte que la croissance du PIB était principalement pilotée par les gains de productivité, lesquels permettaient aux salaires de croître.

Figure 2 - Croissance des salaires au niveau régional, 2000–09 (en pourcentage par année)

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La crise avant la crise et le rôle des politiques salariales

Dans les pays avancés, il convient d’examiner les conséquences à court terme de la crise sur les salaires moyens au regard du contexte de baisse sur le long terme de la part du PIB représentée par les salaires avant la crise et d’une période prolongée de modération salariale. Si l’on adopte une perspective plus à long terme, on voit dans le tableau 1 comment les salaires ont évolué sur l’ensemble de la décennie 2000 (en prenant 1999 comme année de référence). Le tableau montre que les salaires moyens mondiaux ont augmenté de presque un quart sur cette période. Cette hausse était pilotée par des régions en développement comme l’Asie, où les salaires ont plus que doublé depuis 1999, et les pays d’Europe orientale et d’Asie centrale, où les salaires ont plus que triplé (ce qui reflète en partie l’ampleur de la baisse des salaires intervenue dans les années quatre-vingt-dix). En comparaison, les salaires réels dans les pays avancés n’ont augmenté que d’environ 5 pour cent en termes réels sur l’ensemble de la décennie, ce qui correspond à une période de modération salariale.

Tableau 1 - Croissance cumulée des salaires, par région depuis 1999 (1999 = 100)

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 * Estimations provisoires (sur la base d’une couverture d’environ 75%). 

** Estimations approximatives (sur la base d’une couverture d’environ 40% à 60%). Note: Pour la couverture et la méthode, voir le Rapport mondial sur les salaires 2010/11, appendice technique I. Source: Base de données mondiale du BIT sur les salaires.

Le rapport montre aussi que, depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, la proportion des individus touchant une faible rémunération – définie comme inférieure aux deux tiers des salaires médians – a augmenté dans plus des deux tiers des pays pour lesquels des données sont disponibles. Il s’agit notamment des pays suivants: Allemagne, Argentine, Chine, Espagne, Indonésie, Irlande, Pologne et République de Corée. Dans ces pays et dans d’autres où les taux de faible rémunération sont élevés ou en hausse, le risque est qu’un grand nombre d’individus soient laissés à la traîne. La probabilité d’évoluer vers des emplois mieux rémunérés demeure faible, et le risque de se retrouver piégé dans des emplois faiblement rémunérés est élevé, ce qui peut provoquer une aggravation des tensions sociales, surtout si certains groupes d’individus considèrent qu’ils ont payé un prix élevé durant la crise tandis que les bénéfices de la période d’expansion précédente – et peut-être du redressement à venir – ont été inégalement répartis. Nous faisons également valoir dans notre rapport qu’il existe des éléments discriminatoires forts qui expliquent la persistance des faibles rémunérations et des écarts salariaux. Tant dans les pays industrialisés que dans les pays en développement, les travailleurs faiblement rémunérés sont généralement jeunes, la proportion de femmes est importante et ils sont plus susceptibles d’appartenir à un groupe défavorisé: immigrants, groupe racial ou minorité ethnique. La concentration de ces caractéristiques chez les travailleurs faiblement rémunérés conduit à la sous-évaluation de leurs emplois.

Un autre sujet de préoccupation qui se profile est le fait que la stagnation des salaires avant la crise peut avoir en réalité contribué à son déclenchement et aussi affaibli la capacité des économies de se redresser rapidement. Bien qu’il y ait beaucoup d’autres facteurs en jeu dans le déclenchement de la crise financière et économique mondiale, certains estiment que la crise avait ses racines structurelles dans la baisse de la demande globale qui a précédé la crise. La redistribution des salaires vers les bénéfices et des salariés situés sur la médiane vers les salariés du haut de l’échelle a entraîné une baisse de la demande globale par un transfert de revenu d’individus ayant une forte propension à dépenser vers des individus qui épargnent davantage. Avant la crise, certains pays étaient en mesure de maintenir la consommation des ménages en augmentant leur endettement, tandis que d’autres pays fondaient leur croissance économique principalement sur les exportations. Mais ce modèle s’est avéré impossible à tenir sur la durée. À l’avenir, il se peut que les pays trouvent qu’il est dans leur intérêt de fonder leur croissance économique sur une plus forte consommation des ménages, qui soit ancrée dans le revenu du travail, et non pas sur une hausse de la dette.

Nous faisons valoir dans notre rapport que les politiques salariales peuvent apporter une contribution positive à un modèle économique et social plus durable. Tant la négociation collective que les salaires minima peuvent aider à réaliser un redressement plus équilibré et équitable en faisant en sorte que les familles qui travaillent et les ménages touchant de bas salaires obtiennent une part équitable des fruits de chaque point de pourcentage de la croissance économique. Dans notre précédent Rapport mondial sur les salaires 2008-09, nous avons montré que le lien entre les salaires et la productivité était plus fort dans les pays où la négociation collective couvrait plus de 30 pour cent des employés, et que les salaires minima pouvaient réduire l’inégalité dans la moitié inférieure de la distribution des salaires. Dans le présent rapport, nous montrons que la négociation collective et les salaires minima peuvent aussi contribuer à réduire la part des travailleurs faiblement rémunérés.

Mais en même temps, les syndicats demeurent en butte à des difficultés considérables lorsqu’ils essayent d’établir des contacts avec les travailleurs vulnérables et d’établir un système de salaires minima efficace. Parallèlement à l’amélioration du mécanisme de fixation des salaires, le rapport souligne la nécessité de mesures de politique générale qui puissent contribuer à réduire le risque de tomber dans la pauvreté pour les travailleurs faiblement rémunérés. Les prestations liées au travail comme les crédits d’impôt sont certainement utiles, surtout lorsqu’elles vont de pair avec une réglementation efficace en matière de salaires planchers. Dans les pays où les prestations liées au travail ne constituent pas une option réalisable, en raison, par exemple, de la présence d’un emploi informel de très grande ampleur, il faut envisager des politiques de soutien du revenu plus direct pour les familles pauvres (comme les transferts monétaires). Les politiques salariales et politiques relatives aux revenus devraient donc être élaborées dans un cadre réglementaire plus large, à l’intérieur duquel différents éléments sont soigneusement agencés d’une manière compatible et cohérente. En période de crise et de redressement, on ne saurait surestimer l’importance de garantir un «revenu minimum» pour les familles vulnérables qui travaillent.

 

Copyright © Organisation internationale du Travail

Ce résumé ne constitue pas un document officiel de l’Organisation internationale du Travail. Les opinions exprimées ne reflètent pas nécessairement les vues de l’OIT. Le désignations utilisées n’impliquent de la part de l’OIT aucune prise de position quant au statut juridique de tel ou tel pays, zone ou territoire, ou de ses autorités, ni quant au tracé de ses frontières. La mention ou la non-mention de telle ou telle entreprise ou de tel ou tel produit ou procédé commercial n’implique de la part de l’OIT aucune appréciation favorable ou défavorable.

Le texte peut être librement reproduit, à condition d’en mentionner la source.

Département de la communication et de l’information publique Bureau international du Travail 4 route des Morillons, 1211 Genève 22, Suisse Pour plus d’information, visitez notre site web www.ilo.org

 

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