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réalité ou illusions perdues ?
16 décembre 2011

QUE FAIRE DE LA DETTE ?

QUE FAIRE DE LA DETTE ? par François Leclerc


11 DÉCEMBRE 2011 par FRANÇOIS LECLERC

Le débat sur la dette ne fait que commencer, opposant les partisans de trois stratégies possibles. Ceux qui prétendent à tout prix la rembourser jusqu’à un certain seuil – quitte à la refinancer dans un premier temps – ceux qui préconisent de la monétiser, ainsi que ceux qui estiment indispensable de l’annuler partiellement (et dans certains cas totalement). Depuis le dernier sommet, les premiers ont de facto écarté la possibilité de mettre à contribution les créanciers.

Les tenants de l’option A – un remboursement s’appuyant sur l’austérité budgétaire – sont à la manœuvre, sans succès notable à ce jour et restant sur la corde raide. Au mieux peuvent-ils espérer, s’ils parviennent toutefois à stabiliser la situation, faire tomber les pays européens dans une « trappe à liquidité », une longue période de récession accompagnée d’une régression de la protection sociale. Le modèle qui menace toute l’économie occidentale et que connaît déjà le Japon. Mais ce n’est pas l’hypothèse la plus probable, étant donné l’incapacité des dirigeants européens à prendre la mesure de la crise et à saisir sa nature, ainsi qu’en raison de leur choix stratégique de préserver au maximum les investisseurs privés.

C’est là qu’interviennent les tenants de l’option B – une monétisation par la BCE – qui attendent que leur heure arrive. Il ne peut être exclu qu’ils aient de ce point de vue finalement raison, mais cette solution de dernier ressort sera alors couplée avec les mêmes restrictions budgétaires que l’option précédente, créant les mêmes effets. Le déséquilibre enregistré au bilan de la BCE ne pourra éternellement être éludé, réclamant sa recapitalisation par les banques centrales nationales, c’est à dire par les Etats en dernière instance. On reviendrait au point de départ. Cette crise a déjà démontré qu’aucun instrument financier sophistiqué ne pouvait effacer les risques, elle montrera qu’il en est de même des pertes.

Les options A et B ont par ailleurs en commun de laisser aux marchés un contrôle de la dette que l’on sait maintenant pouvoir vite être insupportable, et de ne pas toucher aux mécanismes de la machine à fabriquer de la dette. Tout en reconnaissant que celle-ci ne va plus pouvoir avoir le même rendement, qu’il va falloir d’un côté revoir les modèles des banques, et de l’autre restreindre la distribution du crédit. Ce qui, couplé avec une baisse des prestations sociales, va accroître la pauvreté et les inégalités sociales, faute d’une refondation distributrice de la politique fiscale.

Reste la dernière option, la C, qui est rejetée au nom de son irréalisme, puisque ruinant les petits rentiers, comme on disait autrefois des effets de l’inflation, pour ne pas parler des grands. Mettant symboliquement en avant comme obstacle les pertes des détenteurs d’assurance-vie. Annuler en totalité ou en partie la dette, ce serait se tirer une balle dans le pied. Cette argumentation permet de comprendre l’intérêt pour le système de promouvoir la retraite par capitalisation ou l’assurance médicale, deux manières de prendre en otage les petits rentiers, pour se réfugier derrière eux. C’est l’équivalent de la généralisation de la propriété immobilière, destinée à mouiller tout le monde dans la combine.

Première réponse, il faut se demander s’il y aura le choix à l’arrivée, si une restructuration ordonnée de la dette pourra être évitée ! Il est invraisemblable – dans le contexte récessif prolongé qui se présente – que des taux de croissance et des excédents budgétaires primaires seront atteints et dégagés, qui seuls permettraient de redescendre aux ratios d’endettement préconisés. La provenance de cette croissance restant par ailleurs mystérieuse. A l’inverse, il est nécessaire de s’interroger sur l’ampleur des sacrifices sociaux qu’il va falloir imposer, ainsi que sur le risque d’une explosion sociale, ou bien encore sur la dérive d’une société cherchant à l’endiguer avec un mélange de contrôle social et de répression.

La seconde est plus technique, s’appuyant sur l’idée que, les créanciers de la dette souveraine identifiés et répertoriés, leur sort pourrait être différencié, et certains catégories d’entre eux pourraient bénéficier d’échanges d’obligations favorables. Avec l’idée de préserver les personnes physiques, dans une certaine limite et à condition qu’elles soient fiscalement en règle.

Un tel processus impliquerait une destruction importante de la richesse dite patrimoniale, ce qui vaudrait à tout prendre mieux que la méthode classique jusqu’à maintenant employée, c’est à dire la guerre. Cela aboutirait également à percer l’énorme bulle financière qui s’est constituée au fil des dernières décennies, qui n’est plus porteuse que d’une logique destructive. Pour le coup, ce serait faire « le travail de Dieu » dont s’est prévalu le PDG de Goldman Sachs, mais pas exactement dans le sens qu’il entend.

Quel mécanisme pourrait être mis en oeuvre, afin de procéder à une telle restructuration géante ? Vu l’extrême complexité de l’échafaudage de la finance, il est probable qu’un véritable séisme secouerait tout le système et qu’il faudrait donc prioritairement isoler ceux qui doivent être protégés. La suite ne pourrait que faire l’objet d’une remise à plat du système financier dans son ensemble, étant donné le rôle qu’y jouent les obligations souveraines, point d’appui pour ses établissements financiers et collatéral pour de nombreux produits et transactions. Par analogie, mais à une toute autre échelle, cela serait comparable avec le détricotage de Lehman Brothers, suite à sa faillite, qui vient d’aboutir. Des dispositions provisoires devraient certainement être prises, afin d’éviter un effondrement de l’ensemble du système financier atteignant l’économie, en raison du temps qui serait nécessaire pour réaliser l’opération.

Sa complexité n’est pas en soi un argument pour le rejeter, si l’on se réfère aux études entreprises à propos des conséquences d’un éclatement de la zone euro, qui mettent en évidence l’ampleur de ce qui devrait être accompli ainsi que toutes les incertitudes qui demeurent : faute de cartes et de précédent, la navigation est nécessairement à vue. Cette objection n’est donc pas recevable, sauf à considérer que cette complexité atteinte par le système financier fait, une fois pour toute, obstacle non seulement à sa compréhension – air connu – mais aussi à toute mise en cause possible.

Quel serait in fine l’objectif poursuivi ? Que les Etats puissent, cette opération effectuée, opérer une relance de l’économie – suivant des critères à déterminer mais en fonction d’une autre conception de la mesure de la richesse – leur permettant de dégager un excédent primaire et de se soustraire ainsi à la logique des marchés. Sauf pour une partie résiduelle réduite et soutenable de leur dette actuelle. A cet égard, il sera intéressant de noter que l’Europe serait la mieux placée, comparée aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et au Japon, si l’on considère ses excédents budgétaires de ces dernières années, selon« l’OCDE ». (*) – voir annexe 30.

Dernière question et non des moindres : qui pourrait prendre une décision de cette ampleur ? Sans doute faudrait-il se tourner vers la seule institution où tous les pays sont représentés, et qui à ce titre peut légitimement prétendre l’imposer : l’Organisation des Nations Unies (ONU). Née aux lendemains de la première guerre mondiale sous le nom de Société des Nations et rebaptisée à la suite de la seconde, elle pourrait prendre en charge une telle renaissance. Afin d’instituer un tribunal international, chargé de toute l’opération, qui rapporterait devant l’Assemblée générale.

————-
(*) Cité par Henri Régnault, in « La Crise » n°18 – décembre 2011.

 


"« La Crise » n°18 – décembre 2011" un document que je recommande à tous sa lecture !


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