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réalité ou illusions perdues ?
13 décembre 2011

Quelle est la capacité de la France à faire face à la faillite de ses banques ?

Philippe Herlin - atlantico - Publié le 10 décembre 2011

 

Après l'euro, les banques : la spirale infernale de la perte des triple A ! Plusieurs agences de notations ont dégradé -ou menacé de le faire- les notes d'un certain nombre de grandes banques européennes. Une nouvelle profondément inquiétante dans la mesure où les bilans des grandes banques françaises dépassent de très loin le PIB du pays...

Atlantico : La faillite du système bancaire islandais a entraîné dans sa chute le pays tout entier. En cause notamment, la taille du bilan des banques islandaises plus de 10 fois supérieure au PIB du pays. L'économie française est-elle de taille à faire face au scénario de la faillite de l'une de ses banques ?

Philippe Herlin : C’est un scénario qu’on ne peut évidemment pas écarter même si la structure et la taille de l'économie française et de ses banques ne permettent pas de dresser une comparaison avec l'Islande. Si une banque tombait en faillite, elle serait nationalisée automatiquement par l’État pour que puissent perdurer les opérations bancaires courantes. Il n’est donc pas concevable que la Société Générale, le Crédit Agricole ou la BNP disparaissent du jour au lendemain. Cela aurait une répercussion terrifiante sur l’économie qui provoquerait des milliers de faillites d’entreprises.

Cela s’est déjà produit en Argentine en 2001. Bien que l’État ait cherché à rassurer en nationalisant les banques, les gens se sont rués dans leur banque pour retirer leurs économies, et les mettre ailleurs. Les rideaux de fer se sont alors baissés de façon à stopper l’hémorragie. Les comptes épargnes des argentins ont été bloqués, laissant seulement aux clients des banques un accès limité à leur compte courant. Enfin, le peso a été déconnecté du dollar, et s’est écroulé. Ce qui a provoqué une large vague d’inflation. Quand les gens ont pu réaccéder à leur compte épargne, il avait largement perdu de sa valeur.

Toute faillite bancaire ou ruine d’un État, se traduit par la ruine de la classe moyenne. Les épargnants sont lessivés, les très riches ont l’information en amont, et mettent généralement leur argent à l’étranger.

Aux États-Unis, si les dirigeants nationalisent une banque en cas de faillite, libres à eux de faire tourner la "planche à billets", de façon à rembourser les gens qui veulent retirer leur épargne. Le gouvernement français, lui, ne peut pas faire tourner "la planche à billets", sachant que tout se fait aujourd’hui au niveau de la BCE. Une crise de liquidité, à la fois des banques et de l’État, est vraisemblable.

Les 17 membres de l’Union européenne devraient alors s’accorder sur la possibilité pour la BCE d’intervenir. C’est une situation qui risque d’arriver en Grèce. Les Grecs retirent leur argent progressivement pour le placer à l’étranger. Les banques grecques se trouvent à cours de liquidité, ils doivent trouver 30 milliards. On n’est pas loin d’une faillite d’une banque grecque qui pourrait provoquer un effet domino.  

Les banques ont du mal à se refinancer sur les marchés financiers. Comment assurer leur recapitalisation ?

Les banques françaises sont déjà en train de vendre des actifs pour récupérer du cash, et diminuer la taille de leur bilan. Est-ce que cela sera suffisant ? Il faut savoir que le bilan de la BNP représente 2 000 milliards d’euros, soit autant que le PIB de la France…

Le scénario islandais d'un défaut quasi complet des banques du pays sans aucun remboursement de créances serait-il transposable en France ? 

Je ne pense pas. La plupart des dettes qu’avaient les banques islandaises portaient sur des épargnants anglais et hollandais. Ce sont des banques qui avaient développé des filiales dans ces pays-là, et qui avaient promis des taux d’intérêts très intéressants pour aguicher les épargnants. Lorsqu’elles se sont retrouvées en faillite, l'Etat islandais et les rares survivants du système bancaire du pays ont refusé de rembourser ces épargnants qui étaient à l'extérieur du pays.

Les dirigeants hollandais et anglais ont alors décidé de compenser eux-mêmes la perte des épargnants pour qu’ils ne soient pas ruinés. Ensuite, ils se sont retournés contre la capitale islandaise (Reykjavik), qui leur a finalement dit non. C’est à cette occasion-là qu’ils ont fait deux référendums, qui à chaque fois ont eu pour résultats un « non » massif.

On ne peut pas étendre cela aux autres pays européens. Déjà les volumes de dette sont plus importants, et puis il faut savoir que les deux tiers de notre dette sont détenus par des non-résidents. Si l’on fait défaut, on ne peut pas dire à ces deux tiers-là, « Débrouillez-vous, on ne veut rien entendre». Agir de la sorte, ce serait mettre en faillite de nombreuses banques européennes, des fonds d’investisseurs étrangers. Il y aura aussi des mesures de rétorsion commerciale à notre encontre, ce n’est pas possible.

Cela dit, faire face à la faillite d'une banque française est une chose, faire face à un scénario à l'islandaise d'effondrement simultané de l'ensemble du secteur financier du pays en serait une autre...

Propos recueillis par Franck Michel


Autre article du même auteur :


Philippe Herlin - atlantico - Publié le 9 novembre 2011

 

Société Générale mardi, Natixis mercredi, Crédit Agricole jeudi : l'heure est à la publication des résultats trimestriels des banques françaises. L'occasion de s'arranger un peu avec la vérité des chiffres...

Les banques françaises publient en ce moment leurs résultats trimestriels, une certaine" opération vérité" se produit sur la dette grecque, dont la valeur est ramenée à son prix de marché. Ainsi BNP Paribas annonce une baisse de 71% de son bénéfice net sur le troisième trimestre, à 541 millions d’euros. Mais le groupe s’empresse aussitôt d’ajouter qu’en faisant abstraction de cet élément exceptionnel, le bénéfice se serait élevé à 1,952 milliards d’euros, en hausse de 2,4% sur le trimestre précédent. Voilà qui semble rassurant.

Mais lorsque l’on regarde les comptes plus en détail, on découvre un élément pour le moins étonnant, une "réévaluation de la dette propre" qui concourt aux résultats à hauteur de 786 millions d’euros. Ce mécanisme est couramment utilisé par les banques américaines et européennes, et il est d’une profonde perversité. Expliquons-en le fonctionnement.

Entourloupe

Si vous voulez emprunter de l’argent, vous allez voir votre banquier. Vous empruntez 100, et vous remboursez au cours du temps 100 + les intérêts : logique. Mais une grande entreprise ou une banque peut s’y prendre autrement : elle émet des obligations. Elle émet 100 d’obligations sur le marché, elle empoche donc 100 en cash, et s’engage à verser un coupon (les intérêts) tous les ans et à rembourser les 100 à l’échéance.

Ces obligations sont cotées sur les marchés financiers (ce sont les "obligations corporates", d’entreprises), tout comme celles des Etats. Mais si les investisseurs doutent de la capacité de la banque à rembourser les obligations qu’elle a émises, leur prix va chuter. Et l’obligation, au lieu de valoir 100, ne vaut plus, mettons, que 60. Et là commence la stupéfiante entourloupe : la banque a donc émis, et empoché, 100. L’obligation ne vaut plus que 60, elle la rachète à ce prix, et réalise donc un bénéfice net de 40. C’est magique !

Mais en réalité ça ne se passe même pas comme cela. Si le prix de sa dette baisse autant, cela signifie que la banque connaît de graves difficultés, et c’est effectivement le cas depuis la crise de 2008. Les bilans sont remplis d’actifs toxiques et de créances douteuses, et c’est tellement vrai que les banques ne se prêtent plus d’argent entre elles (le marché interbancaire est quasiment bloqué) et se refinancent auprès de la BCE. Conséquence, la banque n’a même pas les moyens de sortir 60 en cash pour racheter sa dette. Pas grave, elle fait "comme si" et inscrit 40 en recettes dans son compte de résultat ! Enorme.

Plus tu perds, plus tu gagnes

C’est comme si la Grèce, constatant que sa dette de 350 milliards d’euros ne cote plus que la moitié sur les marchés, décidait d’inscrire 175 milliards de recettes à son budget. Ca ferait rire tout le monde, et c’est pourtant ce que font les banques américaines et européennes depuis la crise de 2008 pour enjoliver leurs résultats, et accessoirement verser des bonus au passage. 

Avec ce mécanisme, plus la situation de la banque se détériore, plus elle peut augmenter ses recettes avec de l’argent virtuel. C’est le capitalisme inversé, plus tu perds, plus tu gagnes ! Cette véritable manipulation est bien sûr avalisée par les "normes comptables internationales", et l’on voit une fois de plus comment la collusion entre le big business, les normes étatiques et l’ingénierie financière détruisent le capitalisme de l’intérieur. 

Ce procédé devrait être interdit. En réalité, BNP Paribas n’aurait pas dû annoncer un bénéfice de 541 millions d’euros mais une perte de 245 millions d’euros (541 – 786). C’est moins joli bien sûr. Et cela interdit le versement de bonus aux dirigeants. Très embêtant effectivement. Cela veut surtout dire que la situation réelle des banques dans le monde est bien plus grave qu’elles ne le disent.


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