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réalité ou illusions perdues ?
30 novembre 2011

"les étudiants devraient être anarchistes"

Fondation Pierre Besnard, lundi 28 novembre 2011.

Chomsky "les étudiants devraient être anarchistes"

Noam Chomsky interviewé par Zeit Campus, Allemagne, 14.06.2011, et pas de version française sur la toile (sauf erreur). C’est pourquoi j’ai traduit la version anglaise revue par Daniel Whitesell (http://www.chomsky.info/interviews/20110614_en.htm), en la comparant avec la traduction abrégée en bulgare, Свободня Мисъл [Svobodna Misal, libre pensée], Sophia, octobre 2011, qui m’a permis de connaître ce texte. Frank 28.11.11

ZEIT Campus : Professeur Chomsky, vous n’êtes pas seulement l’universitaire le plus connu dans le monde. Depuis quarante cinq ans, vous êtes un militant politique. Lorsqu’une personne voit la politique aujourd’hui, elle se demande : les "intellectuels connus" comme vous peuvent-ils accomplir une action ?

Noam Chomsky : Qu’elle est exactement la question ?

ZEIT Campus : Il y a la guerre en Afghanistan. Le monde est en proie aux conséquences des crises économiques. La brèche sociale croît de plus en plus.

Chomsky : Le problème est simple. La majorité des intellectuels sont des serviteurs du Pouvoir et des consultants des gouvernements. Ils se voient eux-mêmes comme des experts ; depuis des siècles ils cherchent le prestige, cela ne date pas d’aujourd’hui. Néanmoins, chaque société a des intellectuels critiques dans ses marges. Ces deux catégories ont une influence : les serviteurs du Pouvoir et les dissidents.

ZEIT Campus : Nous restons sceptiques. Qu’avez-vous changé pendant ces quarante cinq ans ?

Chomsky : Personnellement je n’ai rien changé. J’ai fait partie d’un mouvement et ce mouvement a fait beaucoup de choses. Le monde actuel est fondamentalement distinct de celui d’il y a quarante cinq ans. Les actions pour les droits civils, les droits humains, ceux des femmes et de la protection environnementale, la résistance à l’oppression et la violence ont substantiellement changé le monde. Je ne comprends pas comment vous pouvez dire que rien n’a changé.

ZEIT Campus : Croyez-vous que le monde est meilleur aujourd’hui qu’il y a quarante ou cinquante ans ?

Chomsky : Bien entendu ! Allez dans les campus du Massachusetts Institute of Technology. La moitié des étudiants sont des femmes ; un tiers appartient à des minorités ethniques. Les gens sont habillés de façon plus personnelle et ils sont engagés dans de multiples causes. Ce lieu était très différent quand j’y suis entré il y a cinquante ans. Ensuite on peut voir des blancs, bien vêtus et qui ne s’intéressent qu’à leur travail. On peut constater le même développement en Allemagne et dans le monde entier.

ZEIT Campus : Mais ne s’agit-il pas des étudiants les plus politisés ? On reproche souvent aux générations d’aujourd’hui leur manque d’intérêt pour le monde.

Chomsky : Je pense que ce reproche est une erreur. La période de forte politisation dans les universités a été très courte, de 1968 à 1970. Auparavant, les étudiants étaient apolitiques. Voyez la guerre du Vietnam, un des plus grands crimes depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Quatre ou cinq ans s’écoulèrent avant qu’une forme de protestation visible ne secoue les USA. Cela s’est poursuivi jusque dans les années 1970. Ce fut très différent avant la guerre d’Irak. À ma connaissance, la guerre d’Irak a été la première dans l’histoire où les manifestations l’ont précédée. Mes étudiants n’aillaient pas en cours pour aller manifester. Ce ne serait jamais arrivé il y a cinquante ans. Les protestations n’ont pas empêché la guerre mais elles l’ont limitée. Les USA n’ont jamais réussi à faire en Irak une fraction de ce qu’ils ont fait au Vietnam.

ZEIT Campus : Ces protestations n’ont-elles pas été un feu de paille ?

Chomsky : Non. La politisation actuelle est beaucoup plus forte que dans les années 1950. Ce sont des formes d’un activisme durable qui permettent que beaucoup de nos luttes soient victorieuses. Par exemple, il y a eu un progrès continu dans le domaine des droits des femmes. Si j’avais demandé à ma grand-mère si elle se sentait opprimée, elle n’aurait pas compris de quoi je lui parlais. Ma mère disait : "je suis opprimée mais je ne sais pas quoi faire !" Ma fille se fâcherait contre moi si je lui demandais la même chose : notre monde est plus humain !

ZEIT Campus : Croyez-vous au progrès dans l’histoire ?

Chomsky : Le progrès est lent mais dramatique durant les longues périodes. Pensez à l’abolition de l’esclavage ou au développement de la liberté d’expression. Ces droits n’ont pas été simplement accordés. Ce sont les gens qui ont uni leurs forces et les ont renforcées qui les ont obtenus. Cependant le progrès n’est pas un développement linéaire. Il y a également des moments de retour en arrière.

ZEIT Campus : S’il existe des moments de progrès et des moments de retour en arrière, le monde d’aujourd’hui sera-t’il meilleur dans cinquante ans ?

Chomsky : Le monde dans cinquante ans dépend enormement de ce que la jeune génération fait en ce moment. Deux grands dangers menacent l’existence du monde : notre relation avec l’environnement et le danger provenant des armes nucléaires. Si nous ne défendons pas la protection environnementale plus vigoreusement aujourd’hui, nous pourrions être plongés dans une grave crise environnementale dans cinquante ans, sans parler des risques des armes nucléaires. La terrible catástrofe de Fukushima nous rappelle que l’usage civil du nucléaire est plein de risques extrêmes. Nous ne pouvons ignorer cela en aucune circunstance !

ZEIT Campus : Dans soixante ans les étudiants d’aujourd’hui auront votre âge. Que devraient-ils faire afin de juger leur vie avec satisfaction ?

Chomsky : Naturellement ils pourraient dire qu’ils ont vécu heureux avec leurs amis, leurs enfants et la bonne humeur. Mais pour avoir vraiment une vie complete et satisfaisante, ils devraient reconnaître les problèmes et contribuer à les résoudre. S’ils ne peuvent revoir leur vie à quatre-vints ans et se dire : "J’ai fait quelque chose !", alors leur vie n’est pas achevée.

ZEIT Campus : Avec vos quatre-vints deux ans, vous sentez-vous satisfait de ce que vous avez fait ?

Chomsky : Être satisfait est impossible. Mi vie a trop de dimensions, familiale, profesionnelle, politique et d’autres aspects. Dans certains domaines je suis satisfait mais pas dans d’autres. Les problèmes de ce monde sont très importants. L’inégalité aux USA est au niveau des années 1920 et l’économie continue d’avoir une terrible influence sur notre société. Je ne peux pas être satisfait !

ZEIT Campus : Un engagement politique comme le vôtre n’est pas fréquent parmi les universitaires. Êtes-vous parfois furieux contre les "serviteurs du Pouvoir" comme vous le dites ou contre vos collègues professeurs d’universités qui se concentrent uniquement sur leur travail de chaire ?

Chomsky : Je considère immoral d’être un partisan du système du Pouvoir. Cela étant cela ne signifie pas que je suis fâché avec les gens. Les universitaires “par nature” n’ont pas de considérations politiques plus profondes que les autres personnes et ne sont pas moralement supérieurs au reste des mortels. Mais ils sont obligés d’aider les politiciens à chercher et à trouver la vérité.

ZEIT Campus : Il semble que vous deveniez doux avec l’âge.

Chomsky : Non. Mes vues et mes attitudes n’ont pas changé au fil des décennies. Je continue à croire à ce que je croyais quand j’étais adolescent.

ZEIT Campus : Est-ce bien de continuer à croire à ce qu’on croyait il y a presque soixante dix ans ?

Chomsky : Oui, quand les principes fondamentaux sont en cause. Bien évidemment, j’ai changé mes opinions sur de nombreuses questions, mais mes idéaux sont les mêmes !

ZEIT Campus : Vous dites souvent que vous êtes anarchiste. Qu’entendez-vous par là ?

Chomsky : Les anarchistes cherchent à identifier les structures du pouvoir. Ils demandent à ceux qui exercent le pouvoir de se justifier. Cette justification n’apparaît pas dans la plupart des cas. Par conséquent l’attitude anarchiste consiste à démasquer et à dépasser les structures, quelles que soient leurs origines : familiales patriarcales, système mafieux international ou tyrannies des économies du secteur privé, des grandes entreprises.

ZEIT Campus : Quelle a été l’expérience clé qui vous a rendu anarchiste ?

Chomsky : Aucune en particulier. Quand j’avais douze ans, j’ai commencé à aller dans les librairies de livres d’occasion. Beaucoup des libraires étaient des anarchistes venant d’Espagne. Ce fut donc très naturel pour moi de devenir anarchiste.

ZEIT Campus : Tous les étudiants devraient-ils être anarchistes ?

Chomsky : Oui. Les étudiants pourraient défier les autorités et suivre une longue tradition anarchiste.

ZEIT Campus : "Défier les autorités", un gauchiste libéral ou modéré pourrait accepter cette incitation.

Chomsky : Dès qu’une personne identifie, défie et dépasse un pouvoir illégitime, il ou elle est anarchiste. Beaucoup de gens sont anarchistes. La manière dont ils se définissent eux-mêmes n’a pas d’importance pour moi.

ZEIT Campus : Contre qui ou quoi devrait s’opposer la génération étudiante actuelle ?

Chomsky : Ce monde est rempli de souffrances, d’angoisses, de violence et de catastrophe. Les étudiants doivent décider : Une chose les concerne ou pas ? Je dis : Regardez autour de vous, analysez les problèmes, Demandez-vous ce qu’il faut faire et mettez-vous à l’ouvrage !


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