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réalité ou illusions perdues ?
29 novembre 2011

The Wages of Economic Ignorance


 2011-11-21, par 

LONDRES – Les politiciens sont passés maîtres dans l’art de « faire porter le chapeau ». Tout ce qui arrive de bon est un effet de leurs talents et de leurs efforts exceptionnels. Tout ce arrive de mauvais est le fait de quelqu'un ou de quelque chose d'autre.

L'économie est un grand classique auquel s’applique cette stratégie. Trois ans après le quasi-effondrement de l'économie mondiale, la faible reprise a déjà tourné court dans la plupart des pays développés, dont l’inertie économique va freiner les autres. Les experts dénoncent une  « récession à double creux », mais dans certains pays le premier creux n’est toujours pas terminé : le PIB grec est sur le déclin depuis trois ans.

Lorsque l’on demande aux politiciens d’expliquer ces résultats déplorables, ils répondent à l'unisson : « Ce n'est pas de notre faute. » La reprise, selon la rengaine habituelle, a   « déraillé » suite à la crise de la zone euro. Mais cela revient à formuler le problème à l’envers. La crise de la zone euro n’a pas fait dérailler la reprise. La crise résulte d'un manque de reprise. C’est le résultat naturel, prévisible et prédit (par de nombreuses personnes), d'une politique délibérée de réprimer la demande globale des principaux pays européens.

Cette politique était destinée à produire une crise financière, parce qu'elle était tenue de laisser les gouvernements et les banques avec des actifs amoindris et avec de plus grandes créances. Malgré l'austérité, la prévision du déficit structurel du Royaume-Uni cette année a augmenté de 6,5% à 8%, nécessitant 22 milliards de livres supplémentaires (34,6 milliards de dollars) de réduction par an. Le Premier ministre David Cameron et le Chancelier George Osborne incriminent la crise de la zone euro; c’est en fait leur propre analphabétisme économique qui est à blâmer.

Malheureusement pour nous tous, cela vaut la peine de répéter cette explication aujourd'hui. Les dépressions, récessions, contractions – appelez-les comme vous vous voudrez – se produisent parce que le secteur privé dépense moins qu’auparavant. Cela signifie que son revenu chute, parce que les dépenses d’une firme ou d’un ménage sont un revenu pour une autre firme ou un autre ménage.

Dans cette situation, les déficits gouvernementaux augmentent naturellement, alors que diminuent les rentrées fiscales, et que les dépenses pour l'assurance-chômage et autres prestations augmentent. Ces « stabilisateurs automatiques » renflouent une partie de l'écart des dépenses du secteur privé.

Mais si le gouvernement commence à réduire son déficit avant la récupération des dépenses du secteur privé, le résultat net sera une nouvelle baisse des dépenses totales, et donc du revenu total, causant un élargissement du déficit du gouvernement, plutôt qu’un rétrécissement. Il est vrai que si les gouvernements arrêtent tous ensemble leurs dépenses, les déficits vont finalement tomber à zéro. Les populations vont  mourir de faim dans l'intervalle, mais le budget sera équilibré.

C'est la logique folle de la politique économique actuelle dans une grande partie de l'Europe (et ailleurs). Bien entendu, elle ne sera pas mise en pratique jusqu'au bout. Trop d’éléments vont craquer sur le parcours – les banques, le système monétaire, la cohésion sociale, la légitimité du régime politique. Nos dirigeants sont peut-être des handicapés mentaux, mais ils n’en sont pas pour autant suicidaires. La réduction du déficit sera finalement remise aux calendes grecques, soit ouvertement comme je le préférerais, soit subrepticement à la manière des politiciens. Au Royaume-Uni, on parle déjà du Plan A +.

Ceux qui voient la nécessité d'une telle stratégie de croissance, mais qui veulent aider leurs amis, aiment l'idée d'une réduction des taxes, surtout pour les riches. Celle-ci ouvre une brèche dans les plans actuels de réduction du déficit, mais pourvu que le gouvernement continue de réduire les dépenses, elle a l'avantage (du point de vue d'un conservateur) de rétrécir le rôle de l'État au fil du temps.

Hormis les questions d'équité, la réduction des forts taux d'imposition est une méthode de second choix pour l’augmentation des dépenses, parce que les riches ont une plus forte propension à économiser. Les réductions d'impôt devraient être ciblées spécifiquement sur les pauvres, si l'on veut dépenser de l'argent pour stimuler l'économie.

En fait, la meilleure de toutes les options serait que le gouvernement dépense lui-même l'argent. Les gouvernements peuvent faire cela systématiquement avec un plan de réduction du déficit à moyen terme, en faisant une distinction cruciale entre des leurs comptes courants et leurs comptes de capital. Le compte courant comprend les dépenses sur les services et les biens périssables qui ne produisent pas d’actif. Le compte de capital sert à l'achat ou à la construction de biens durables qui donnent un retour éventuel dans l’avenir. Le premier est compté en frais de fiscalité; le second ne l'est pas.

Si les règles de comptabilité sont aujourd'hui trop peu sensibles pour faire cette distinction, une entité distincte pourrait se charger des activités de placement. Une banque nationale d'investissement serait capitalisée par le gouvernement, emprunterait auprès du secteur privé et investirait dans l'infrastructure, le logement et « l’écologisation » de l'économie. Cela comblerait à la fois un vide dans la demande et améliorerait les perspectives de croissance économique à long terme. Il y a des signes selon lesquels les représentants du gouvernement au Royaume-Uni et aux États-Unis commencent à aller dans cette direction.

Si rien ne fonctionne, il sera temps de saupoudrer le pays avec ce que Milton Friedman a appelé « de l’argent hélicoptère » – c'est-à-dire placer le pouvoir d'achat directement dans les poches du peuple, en donnant à chaque ménage un bon à dépenser avec une date d'expiration. Cela conserverait au moins l'économie à flot en attendant le développement du programme d'investissement à long terme.

Il serait préférable que de tels régimes puissent être acceptés par tous les pays du G-20, comme ce fut brièvement le cas dans la relance d'avril 2009. Si ce n'est pas le cas, des groupes de pays devraient les poursuivre par eux-mêmes.

L'Union Européenne a désespérément besoin d'une stratégie de croissance. Ses systèmes actuels de sauvetage aident seulement des pays comme la Grèce et l'Italie à emprunter de l'argent à moindre frais face aux taux d'intérêt prohibitifs du marché, tandis que l'insistance des régimes sur plus de réduction de déficit budgétaire dans ces pays, réduira davantage le pouvoir d'achat européen. Les gouvernements récipiendaires devront réduire leurs dépenses; les banques devront subir des pertes importantes.

À long terme, il faudra reconnaître la zone euro comme une expérience ratée. Elle devrait être reconstituée avec beaucoup moins de membres, en incluant seulement les pays qui n’ont pas de déficits persistants de leurs comptes courants. Tout ce qui a été proposé pour sauver la zone euro dans sa forme actuelle – une trésorerie centrale, une autorité monétaire qui fait plus que cibler l'inflation, une harmonisation fiscale, un nouveau traité – est une chimère politique.

Robert Skidelsky, membre de la Chambre des Lords, est professeur émérite d'économie politique à l'Université de Warwick.

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