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réalité ou illusions perdues ?
27 novembre 2011

Une Europe allemande ?

Derrière les plans d’austérité, le modèle allemand triomphe. Berlin assoit son leadership au fil de la crise et préside à l’intégration de l’Europe.

Par Fabrice Delaye et Myret Zaki, le 16 novembre

L’Allemagne est en train de réaliser, avec la crise de l’euro, ce qu’elle n’a pas pu faire avec deux guerres.» Provocatrice et un brin excessive, cette remarque lancée récemment par un grand banquier rappelle que la pression des marchés aboutit, en définitive, à plus d’intégration de la zone euro, sous leadership allemand. Sous la contrainte de l’euro, l’unification du continent autour d’un Euroland, excluant les Britanniques, apparaît comme la seule voie possible pour éviter un éclatement de la monnaie unique. Pour Michael Hüther, directeur de l’Institut der deutschen Wirtschaft de Cologne, «les politiciens européens ont compris le besoin de cette discipline. Le cas est similaire à celui des années 1980, quand la plupart des pays ont réalisé qu’ils ne pouvaient pas résoudre leurs problèmes par des dévaluations systématiques vis-à-vis du mark.» La solution est passée alors par plus d’Europe. «Au lieu de la finlandisation annoncée, on a vu un président socialiste français relancer, aux côtés de l’Allemagne, la construction européenne, du marché unique à Maastricht», rappelle Franck Biancheri, directeur du Laboratoire européen d’anticipation politique (LEAP).


L’UE est morte, vive l’Euroland

La crise de l’euro débouchera-t-elle, cette fois encore, sur une nouvelle phase d’intégration? D’ores et déjà, la convergence budgétaire et fiscale est en route. Et c’est bien le modèle économique allemand – inflation et finances publiques maîtrisées – qui est devenu l’alpha et l’oméga de toutes les politiques publiques. Son adoption a déjà atténué la pression qui s’exerçait sur l’Espagne après que le pays se soit doté de la règle d’or demandée par Berlin. L’arrivée de dirigeants comme Lucas Papademos en Grèce et Mario Monti en Italie pour faire respecter la rigueur apparaît aussi comme un gage non seulement aux marchés mais à l’Allemagne. Certes, ce processus de convergence est pour le moins chaotique, pénible et surtout lent, tandis que le rythme des marchés est effréné. Du coup, la pensée magique fait florès. Après l’idée de mutualisation de la dette avec les eurobonds, c’est désormais celle de voir la BCE se transformer en réserve fédérale pour imprimer indéfiniment du papier qui devient tentante comme solution à tous les maux, aussi bien pour les keynésiens de gauche comme Jean-Paul Fitoussi en France que pour le premier ministre conservateur britannique David Cameron, en passant par les gérants de hedge funds et autres gourous de la finance anglo-saxonne. Invariablement, Berlin résiste. Et invariablement, Angela Merkel et son ministre des Finances Wolfgang Schäuble finissent par rallier tout le monde à leur position. Bien sûr, officiellement Berlin se garde d’afficher son leadership. La presse européenne est persuadée que ce sont les marchés qui ont eu la peau de Berlusconi et de Papandréou. Mais outre le fait que ces départs n’ont rassuré les marchés qu’une brève journée, l’argument oublie la séquence du G20 à Cannes. C’est là que le «Cavaliere» a perdu son pouvoir, tancé par la chancelière Merkel et son quasi-porte-parole, Nicolas Sarkozy. Là aussi que Papandréou a dû se dédire de son référendum. Enfin, une semaine plus tard, la France annonçait son nouveau plan de rigueur, «le plus dur depuis 1945», selon le premier ministre François Fillon, alors que les élections sont dans six mois… Dans la zone euro, les politiciens qui ont enfourché le cheval nationaliste commencent à dénoncer les «Diktats» de Berlin plutôt que la pression des marchés. En France, Jean-Luc Mélenchon attaque ainsi une «fascination morbide» pour le modèle allemand dans Les Echos. C’est que le patron du Front de gauche sent que la convergence budgétaire est le prélude à un transfert de souveraineté.


Une nouvelle phase d’intégration

Pour Franck Biancheri, ce débat sur la souveraineté va dominer 2012. «Le leadership de l’Allemagne n’est pas seulement le fruit de ses succès économiques mais aussi du déficit politique de ses partenaires européens et singulièrement de la France avec son président atlantiste. Mais l’alternance politique qui se dessine partout favorise une nouvelle phase d’intégration avec la création d’un quasi-Etat européen débarrassé de l’influence britannique à Bruxelles: l’Euroland.» C’est cette unification du continent qu’attend aussi Jean-Christophe Victor, géopolitologue et présentateur de l’émission Le dessous des cartes sur Arte. «La réalité, c’est que nous n’avons pas le choix. La perspective d’un éclatement de l’euro et de son coût exorbitant, y compris pour l’Allemagne, impose l’intégration. Une Europe fédérale ou plus probablement confédérale est en gestation autour des pays fondateurs de l’Union.» Certes, cela supposera une redéfinition des traités européens. Mais là encore, l’Allemagne, en la personne du proeuropéen Wolfgang Schäuble, est déjà à la manœuvre. La convergence fiscale – les politiques d’austérité autrement dit – vers le modèle allemand sera naturellement pénible et ouvre le risque d’une crise sociale. Mais à l’heure qu’il est, l’objectif «zéro déficit» d’ici 2013 à 2016 s’affirme comme l’unique planche de salut pour l’Europe et sa monnaie. C’est donc un découplage historique que l’on observe entre l’Europe et les Etats-Unis au plan de la gestion budgétaire et monétaire. En effet, alors que le ratio d’endettement américain est plus élevé que celui agrégé de la zone euro, la Réserve fédérale continue d’administrer une économie de planche à billets, dont l’endettement augmente encore à un rythme fulgurant sans qu’aucun plan d’austérité sérieux n’ait encore été annoncé. Wolfgang Schaüble  s’est d’ailleurs montré l’un des plus sévères critiques de la Fed, déclarant fin 2010 que son président, Ben Bernanke, n’avait pas la moindre idée de ce qu’il faisait. «L’Allemagne a reçu le soutien de la Chine, de la Russie et du Brésil, qui refusent désormais de porter les coûts de la dévaluation du dollar.»

 


Les failles du modèle keynésien

Et malgré les pressions des spéculateurs anglo-saxons en vue d’un usage beaucoup plus intensif de la planche à billets européenne, Berlin s’érige en gardienne de la rigueur face à un keynésianisme pour lequel son aversion est désormais notoire. L’ex-banquier central allemand, Axel Weber, s’est toujours opposé à la dévaluation de l’euro et à l’impression de monnaie pour sortir la zone de la crise. La BCE ayant réfréné ses achats de dette souveraine des pays en difficulté, l’euro est resté fort contre le dollar, même au plus haut de la crise, se maintenant à plus de 1,30 dollar. L’école de pensée monétaire allemande est inspirée des économistes autrichiens Ludwig Von Mises et Friedrich Hayek, dont Axel Weber fut un disciple. Friedrich Hayek, en janvier 1931, a critiqué la pensée de Keynes en révélant les failles de celle-ci. Il avait résumé le problème de la crise actuelle des Etats-Unis dans cette seule phrase: «L’octroi de crédit aux consommateurs, si fortement promu comme la cure par excellence contre la dépression, aurait en réalité l’effet inverse. Endetter les consommateurs pour stimuler la demande ne ferait que créer une demande artificielle, qui repousserait seulement l’inévitable moment de l’austérité.» Il désapprouvait l’usage de «stimulants artificiels, que ce soit durant une crise ou après celle-ci», préconisant de «laisser le temps faire son travail de guérison durable». Reste à savoir si cette pensée, qui n’avait plus la cote ces quarante dernières années, parviendra à s’imposer durablement, au gré de la crise de la dette occidentale. Oui si l’on en croit Franck Biancheri: «Les relances monétaires et budgétaires keynésiennes ne fonctionnent plus à l’heure de la mondialisation, car les pays développés ne peuvent plus les faire payer par le reste du monde.» Le G7, à l’heure allemande? «On assiste à un renversement de l’histoire, estime Pascal Kaufmann, spécialiste du couple franco-allemand à l’Université Montesquieu de Bordeaux. L’Allemagne, qui était le repoussoir en 1945, est aujourd’hui le modèle de référence.»

 

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