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réalité ou illusions perdues ?
25 novembre 2011

La France relance la lutte contre les paradis fiscaux

Article de Christian Chavagneux pour l'Économie politique

Jeudi 24 novembre 2011, sur son blog Alternatives Économiques

Juste de retour d’une conférence de presse à Bercy avec Valérie Pécresse, la ministre du Budget, sur ce que fait la France en matière de lutte contre les paradis fiscaux. La ministre a fait des annonces importantes et fourni plusieurs données intéressantes.

Non aux banquiers suisses

D’abord, elle a, enfin, officiellement et fermement rejeté tout accord de type Rubik avec les banquiers suisses qui leur permet de protéger l’anonymat de leurs clients contre un prélèvement à la source. Le rapporteur du budget, Gilles Carez, présent à la conférence, a confirmé que si quelques parlementaires de sa majorité ont été tentés en ces périodes de disette budgétaire d’accepter la proposition suisse qui aurait démarré par le paiement d’environ 1 milliard d’euros histoire de régler le passé des fraudeurs français en Suisse, la majorité n’y est pas favorable. On attend de Bercy un rapport sur le sujet pour le 1er décembre, il y a donc de grandes chances pour qu’il soit négatif sur les modalités de l’accord Rubik. Gilles Carez s’est également félicité que l’accord signé entre la Suisse et l’Allemagne ne soit pas assuré de recueillir une majorité au parlement allemand. On peut ajouter que certains Länder ont déjà dit implicitement ce qu’ils en pensaient en continuant à acheter des CD de données sur des fraudeurs éventuels !

Le cadre d’échange d’information du G20 ne fonctionne pas

Ensuite, dans le cadre mis en œuvre par le G20 depuis avril 2009, la France a signé 36 conventions d’échanges d’informations fiscales dont 22 sont en vigueur. Le fisc français peut donc a priori demander des informations aux fiscs des paradis fiscaux lorsqu’il a un doute sur les activités de tel ou tel contribuables.
Il peut le faire mais le fait-il ? Pour la première fois, la ministre a donné des informations : sur les 8 premiers mois de l’année, la France a envoyé 230 demandes d’information à 18 pays ; elle a obtenu un taux de retour de 30 % seulement. Et pour les pays qui ont répondu, l’information n’est pas forcément de qualité a précisé la ministre : « les éléments de nature juridique (statuts, noms des actionnaires, bilans de société…) sont généralement transmis. En revanche, la transmission des éléments plus concrets relatifs aux contribuables (information sur les soldes des comptes bancaires, montant des rémunérations) semblent soulever plus de difficultés, et certains Etats semblent considérer que la coopération vise à valider une infirmation déjà connue par les autorités françaises, plutôt qu’à en donner de nouvelles ».
Il semble donc clair au vu des données fournies par la ministre que le dispositif d’échange d’informations à la demande mis en place par le Forum global sur la transparence fiscal n’est pas encore au point. Ce qui renforce la demande des ONG internationales de passer à un échange automatique d’informations fiscales.

Si les paradis fiscaux continuent à faire de la rétention d’information, la ministre et le rapporteur général du budget ont indiqué, ont menacé, qu’ils étaient prêts à mettre les pays récalcitrants sur la liste officielle française des paradis fiscaux (qui ne comporte aujourd’hui que des petits territoires sans importance), ce qui signifie par exemple que tout transfert d’argent à destination de ces territoires fait l’objet d’une retenue à la source de 50 %.

La ministre conclue à juste titre de ces résultats que tant que les échanges d’informations ne seront pas de qualité, « nous devons compter d’abord sur notre capacité de contrôle national ». C’est pourquoi elle va proposer au parlement de porter le délai de prescription en matière d’avoirs détenus à l’étranger et non déclarés de 3 ans à 10 ans. C’était déjà le cas depuis 2008 pour les pays listés comme paradis fiscaux mais comme la liste s’est réduite comme peau de chagrin, la mesure sera désormais effective pour tous les pays, ce qui permet de continuer à enquêter dans la durée, y compris dans les pays supposés échanger des informations avec le fisc français. La ministre n’a par contre pas annoncé de recrutement de postes pour faciliter le travail du fisc en la matière, ce qui aurait crédibilisé le dispositif.

A signaler également les données fournies dans le cadre du droit de communication, renforcé par Eric Woerth : toutes les banques installées en France doivent fournir au fisc, quand il le demande, des informations sur les mouvements de fonds réalisés vers l’étranger : 40 000 virements ont ainsi été identifiés mettant en cause 8000 contribuables sur la période 2006-2008 (pourquoi les statistiques s’arrêtent-elles à 2008, on ne le saura pas…). Le fisc surveille également de près les achats réalisés en France au moyen de cartes de crédits étrangères pour trouver des comptes non déclarés à l’étranger.

La fraude des entreprises pas oubliée mais une action moins forte

La ministre n’a pas oublié les pratiques douteuses des entreprises mais, comme toujours jusqu’à présent avec ce gouvernement, l’attaque est plus molle.

La ministre a directement ciblé les pratiques de prix de transfert des entreprises en rappelant qu’Eric Woerth avait imposé aux entreprises une obligation de documentation. Ce qu’elle n’a pas dit c’est que Woerth voulait que les grandes entreprises donnent l’info ex ante, avant de mettre en œuvre leurs choix en matière de prix de transfert, ce qui aurait permis au fisc de cibler rapidement les choix douteux, et que la majorité actuelle a retoqué le projet imposant aux entreprises uniquement de garder l’information au chaud pour la donner ex post si le fisc la demande, ce qui laisse les contrôleurs face au même dilemme de savoir qui contrôler en priorité avec leurs faibles moyens humains.

La ministre a indiqué que les redressements de prix de transferts avaient rapporté 1,9 milliard d’euros en moyenne par an sur les 3 dernières années et qu’elle confiait une mission à l’Inspection générale des finances d’expertiser les politiques mises en œuvre par les autres pays européens en matière de lutte contre les pratiques douteuses de prix de transfert.

Enfin, à une question posée par votre serviteur, la ministre a répondu que « la mise en œuvre d’une comptabilité pays par pays pour les banques est une piste que l’on peut envisager » ce qui réjouira les ONG internationales de lutte contre les paradis fiscaux qui se battent pour cela. Il ne faudra pas lâcher Valérie Pécresse sur le sujet.

Au total, la ministre a complètement assumé une politique répressive envers les fraudeurs. Le rejet de Rubik, la transparence sur le peu d’efficacité de l’échange d’information à la demande, l’allongement du délai de prescription et l’utilisation concrète de la capacité d’échange d’information à la demande avec les banques vont indéniablement dans le bon sens. A bien entendre la ministre, on comprenait que, contrairement aux déclarations du président de la République, les paradis fiscaux, c’est loin d’être fini. Surtout si le gouvernement reste mou sur leur utilisation par les entreprises. Il doit continuer ce qu’il a entrepris vis-à-vis des particuliers aisés. Mais il doit aussi s’attaquer fermement aux pratiques douteuses des grands groupes.

 

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