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réalité ou illusions perdues ?
17 novembre 2011

La Stratégie du Choc

 | PAR JADE LINDGAARD

Sept ans après la sortie de No Logo, c'est une enquête ambitieuse que publie aujourd'hui Naomi Klein : La Stratégie du choc (The Shock Doctrine en anglais). Nous vous proposons en avant-première les bonnes feuilles de ce livre. Décrit par son auteure comme «l'histoire secrète du marché dérégulé», l'ouvrage prend la forme d'une grande investigation internationale, couvrant plus de trente ans d'histoire, afin de décrire l'émergence de ce qu'elle qualifie de «capitalisme du désastre».

La thèse de la journaliste canadienne est que le capitalisme prospère de préférence dans les contextes les plus tourmentés. Conscients de cette importance de la crise pour que fructifient leurs intérêts, un certain nombre de dirigeants politiques, économiques, et d'intellectuels – au premier rang desquels Milton Friedman, le théoricien de l'ultralibéralisme et fondateur de l'école de Chicago –, ont construit des marchés économiques prospères sur les ruines d'Etats et de sociétés frappées de traumatismes : le 11 Septembre, la Nouvelle-Orléans de l'après Katrina, le Sri Lanka d'après le tsunami, l'Afrique du Sud d'après l'apartheid, la Russie d'après la fin du communisme. Jusqu'à parfois susciter ces «désastres» si nécessaires à leur fortune: de la dictature de Pinochet au Chili en 1973 à la guerre en Irak.

Le livre s'ouvre par la rencontre de l'auteure avec une victime d'expériences médicales à base d'électrochocs. Il s'achève par un éloge des mouvements de résistance contre le capitalisme dérégulé. C'est dire si sa forme n'est pas orthodoxe, ni livre classique d'économie, ni investigation journalistique politiquement neutre. C'est ce qui fait son originalité, et en partie son intérêt.

Nous avons sélectionné deux extraits :

- Une grande partie de l'introduction, qui permet de comprendre la démarche de l'auteure, et la manière dont elle a procédé pour son enquête :

 Extraits de l'introduction de La stratégie du choc

 Les notes de l'introduction

 - Un extrait du chapitre consacré à l'Afrique du Sud post-apartheid, cas d'école de ce que Naomi Klein appelle le "capitalisme du désastre" :

 La liberté étranglée de l'Afrique du sud

Les notes du chapitre

 Merci à Actes Sud et Léméac pour nous avoir autorisé à publier ces extraits en avant-première. La Stratégie du choc (Actes Sud) sort en librairie le 6 mai.

 Evénement médiatique compte tenu de la notoriété de son auteure, La Stratégie du choc fut accompagnée lors de sa sortie en anglais, à l'automne 2007, de la diffusion d'une bande annonce (sur le site du livre mais aussi sur You Tube, Dailymotion) conçue par Naomi Klein avec Alfonso Cuaron (le réalisateur des Fils de l'homme) et son fils Jonas. Ce mini court-métrage est à la fois un message promotionnel et un outil militant.

"Il n'y a pas d'accident dans le monde de Naomi Klein"

Mais au-delà de ce clin d'œil à Hollywood, le livre a surtout suscité plusieurs mois de débats dans les médias anglo-saxons. Journaliste (collaboratrice régulière du quotidien britannique The Guardian, de l'hebdomadaire américain de gauche The Nation...), et auteure en 2000 de No Logo, le plus gros best-seller à ce jour de sensibilité altermondialiste – avec plus d'un million d'exemplaires vendus dans le monde –, Naomi Klein est une figure célèbre des cercles politiques et intellectuels anglo-saxons.

La conjonction de la ligne radicale qu'elle incarne et de sa célébrité constitue pour certains un repoussoir, y compris à gauche. Quand sort The Shock Doctrine, dans The Brooklyn rail, revue new-yorkaise de critique sociale et culturelle, Nicholas Jahr entame sa critique plutôt élogieuse par le souvenir de son exaspération face au phénomène No Logo : «Trop d'activistes sautillant autour du livre» ; « Qui pouvait bien croire à un livre que le New York Timesqualifie de "bible du mouvement" ?».

Malgré les crispations que peut susciter son auteure, dans l'ensemble, La Sratégie du choc est en passe de devenir pour les éditorialistes anglo-saxons l'équivalent de la thèse de Francis Fukuyama proclamant la fin de l'histoire, de celle de Samuel Huntington à propos du choc des civilisations, ou encore de la notion de «monde plat» qu'utilise l'éditorialiste du New York Times Thomas Friedman pour tresser les louanges de la mondialisation : un concept de référence, apprécié ou critiqué, mais prétexte à des joutes éditoriales et à des discussions sans fin sur les nouveaux visages du capitalisme. Beaucoup l'écrivent : «c'est son livre le plus important à ce jour», une «entreprise ambitieuse», «un récit novateur».

Reconstituant trente ans d'histoire, porté par une vision ambitieuse et une énergie narrative certaine, La Stratégie du choc a reçu des soutiens inattendus, comme celui du Dow Jones business news : «Pour mieux comprendre cette nouvelle économie, vous devez lire ce qui pourrait être le livre le plus important sur l'économie du XXIe siècle.» Le journal financier ironise sur le paradoxe de sa défense de l'auteure altermondialiste : «Un tuyau : investissez dans le "capitalisme du désastre". Ce nouveau secteur d'investissement est au cœur de la "nouvelle économie" qui génère des profits en se nourrissant de la misère des autres.»

 Si dans l'ensemble, le livre a reçu un accueil positif, une critique de fond se détache : celle d'un apparent déterminisme. A force de vouloir donner de la substance à la notion de «capitalisme du désastre», Naomi Klein forcerait les faits pour les faire entrer dans sa problématique générale.

C'est ce que pointe le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz, qui fut l'un des premiers à recenser l'ouvrage (dans le New York Times) : «Il n'y a pas d'accidents dans le monde tel que le voit Naomi Klein», écrit l'économiste, qui regrette le parallèle que tente le livre entre d'un côté les chocs naturels et politiques qui effacent la conscience des populations concernées et permettent au capitalisme ultra de s'implanter, et, de l'autre, les techniques d'interrogatoire de la CIA à base d'électrochoc : «Le lien avec un scientifique voyou de la CIA est dramatisant et non convaincant.» Cela ne l'empêche pas de livrer un jugement plutôt favorable du livre : «Klein n'est pas une universitaire et ne doit pas être évaluée comme si elle l'était.»

Un combat plus solitaire

Le Guardian, qui publie lui aussi une critique élogieuse du livre, apporte le même bémol. Evoquant une veine parfois «démagogique», il note que «Klein a l'air de suggérer que ces désastres sont délibérément fabriqués par les multinationales, avec l'aide secrète des gouvernements. Mais son argumentation est plus raisonnable et plus plausible quand elle explique que le désastre n'est que le mode normal de fonctionnement du type de capitalisme que nous connaissons aujourd'hui».

Certains réagissent sur des points précis, surtout lorsqu'ils sont eux-mêmes mis en cause directement. Ainsi, invité de l'émission politique Democracy Now !, l'ancien président de la banque centrale américaine, Alan Greenspan, nie avoir causé une profonde augmentation des inégalités de revenus entre patrons et employés comme l'en accuse la journaliste.

Sondés par le New York Times, des économistes reprochent à Naomi Klein de «ne pas avoir compris ce dont elle parle». C'est ce que qu'affirme notamment Jeffrey Sachs, directeur de l'institut de la Terre de l'université de Columbia et économiste star des campus depuis qu'il a recruté le chanteur Bono pour mener une campagne contre la pauvreté. Accusé par la journaliste d'être responsable en partie des programmes de privatisation qui ont appauvri la Pologne et la Bolivie, il répond : «Je suis complètement d'accord avec l'idée que l'idéologie extrémiste du marché dérégulé des années 1980 est devenue hors de contrôle», mais Naomi Klein «n'a pas vraiment compris beaucoup des choses qui se sont passées là où j'ai joué un rôle».

Ancien chef du bureau de Moscou du Boston Globe, Fred Kaplan qualifie dans Slate de «ridicule» la description que l'auteure donne de la transition néolibérale en Russie sous Eltsine, décrivant «un conflit entre d'un côté les capitalistes de l'école de Chicago et de l'autre d'honnêtes démocrates».

Mais c'est sans doute l'économiste Tyler Cowen, blogueur (Marginal Revolution) et éditorialiste économique au New York Times qui fut le plus virulent : «La rhétorique de Mme Klein est ridicule. Souvent, les liens qu'elle trace sont tellement impressionnistes et tellement tributaires de raisonnements tordus qu'il est impossible de les résumer, et encore moins de les critiquer dans le court espace d'une critique de livre.» Pour son détracteur, «avec la stratégie du choc, Naomi Klein est devenue le genre de marque qu'elle dénonçait dans No Logo : procédant à des simplifications réductrices plutôt qu'à la description de la complexité».

La deuxième critique de fond de la Stratégie du choc est de nature plus politique. A force de voir partout à l'œuvre le "capitalisme du désastre", Naomi Klein ne reconnaît-elle pas plus de force, de cohérence et de puissance à ses ennemis qu'ils n'en ont réellement ? C'est ce que souligne Stiglitz à propos de l'école de Chicago et de Milton Friedman : «On peut être encore plus dur que ne l'est Klein contre les politiques [de dérégulation libérale prônées par Milton Friedman] : elles ne se sont jamais appuyées sur des bases empiriques et théoriques solides.»

C'est aussi ce que souligne John Gray dans le Guardian : «Je ne suis pas convaincu que les multinationales que Klein éreinte dans son livre comprennent et, a fortiori, contrôlent le capitalisme mondial anarchique qui a pu se développer ces dernières années. Ni même que les idéologues néolibéraux qui y ont participé avaient prévu ce qu'il provoquerait.»

Interrogée sur la réception de son livre, Naomi Klein a répondu qu'à la différence de ce qui s'était passé autour de No Logo, sorti en pleine montée des mobilisations altermondialistes, elle savait que cette fois-ci le «combat serait beaucoup plus solitaire».

 En 2007, Naomi Klein publiait La Stratégie du choc. 

Un traumatisme collectif, une guerre, un coup d'état, une catastrophe naturelle, une attaque terroriste plongent chaque individu dans un état de choc. Après le choc, nous redevenons des enfants, désormais plus enclins à suivre les leaders qui prétendent nous protéger. S'il est une personne à avoir compris très tôt ce phénomène, c'est Milton Friedman, Prix Nobel d'économie en 1976.
Friedman, soutenant l'ultralibéralisme, conseilla aux hommes politiques d'imposer immédiatement après une crise des réformes économiques douloureuses avant que les gens n'aient eu le temps de se ressaisir. Il qualifiait cette méthode de traitement de choc. 
Naomi Klein la qualifie de "stratégie du choc".
En utilisant de nombreuses images d'archives, Michael Winterbottom et Mat Whitecross démontrent la puissance du texte de Naomi Klein et la nécessité de résister.

 

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