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réalité ou illusions perdues ?
16 novembre 2011

Les suites de la chute de la zone euro

Les suites de la chute de la zone euro

2011-11-11

NEW YORK – La crise de la zone euro semble avoir atteint son maximum, avec la Grèce au bord de la faillite et une sortie sans gloire de l'Union monétaire, et à présent avec l'Italie sur le point de perdre son accès au marché. Mais les problèmes de la zone euro sont bien plus préoccupants. Ils sont structurels et ils affectent gravement au moins quatre autres économies. Celles de l’Irlande, du Portugal, de Chypre et de l'Espagne.

Pendant la dernière décennie, les PIIGS (Portugal, Irlande, Italie, Grèce et Espagne) ont été des consommateurs de premier et dernier recours de la zone euro, dépensant plus que leurs revenus et affichant des déficits toujours plus importants de leurs comptes courants. Pendant ce temps, le noyau de la zone euro (l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche et la France) ont  joué leur rôle de producteurs de premier et dernier recours, ont dépensé moins que leurs revenus et affiché des excédents de comptes courants toujours plus importants.

Ces déséquilibres des balances des paiements sont également motivés par la force de l'euro depuis 2002 et par la divergence entre les taux de change réels et la compétitivité au sein de la zone euro. Des coûts unitaires de main-d’ouvre ont chuté en Allemagne et dans d'autres parties du noyau (puisque la croissance des salaires a retardé celle de la productivité), conduisant à une dépréciation réelle et à une augmentation des surplus de compte courant, alors que l'inverse s'est produit dans les PIIGS (et Chypre), conduisant à une réelle plus-value et à un élargissement des déficits des comptes courants. En Irlande et en Espagne, l'épargne privée s'est effondrée, et une bulle immobilière a alimenté une consommation excessive, alors qu’en Grèce, au Portugal, à Chypre et en Italie, des déficits excessifs ont exacerbé les déséquilibres des balances des paiements.

L’accumulation de dette publique et privée qui en a résulté dans les pays trop dépensiers est devenu ingérable quand les bulles immobilières ont éclaté (en Irlande et en Espagne) et quand les déficits des comptes courants, les déficits budgétaires, ou les deux sont devenus insoutenables dans toute la périphérie de la zone euro. En outre, les forts déficits des comptes courants des pays de la périphérie, alimentés comme ils l’étaient par une consommation excessive, ont été suivis de stagnation économique et de perte de compétitivité.

Que va-t-il donc se passer maintenant?

Une reflation symétrique est la meilleure option pour restaurer la croissance et la compétitivité à la périphérie de la zone euro, tout en prenant des mesures d'austérité et des réformes structurelles nécessaires. Cela implique un assouplissement significatif de la politique monétaire par la Banque Centrale Européenne, la fourniture d'un nombre illimité de prêteurs de dernier recours pour soutenir les économies illiquides mais potentiellement solvables, une forte dépréciation de l'euro, qui transformerait les déficits des comptes courants en excédents, et une relance fiscale du cour si la périphérie est forcée à l'austérité.

Malheureusement, l'Allemagne et la BCE s'opposent à cette option, dans la perspective d'une dose temporaire d'inflation légèrement plus élevée dans le noyau par rapport à la périphérie.

La pilule amère que l'Allemagne et la BCE veulent imposer à la périphérie - la deuxième option - est la récession-déflation : l’austérité budgétaire, des réformes structurelles pour stimuler la croissance de la productivité et réduire les coûts unitaires de main-d’ouvre, et une dépréciation réelle par l'ajustement des prix, contrairement à l’ajustement sur les taux de change nominaux.

Les problèmes relatifs à cette option sont nombreux. L’austérité budgétaire, bien que nécessaire, signifie une récession plus forte à court terme. Même une réforme structurelle réduit la production à court terme, car elle nécessite de licencier des employés, de fermer les entreprises déficitaires et de procéder à une réaffectation progressive du travail et du capital vers les nouvelles industries émergentes. Ainsi, pour éviter de sombrer dans une spirale de récession de plus en plus grave, la périphérie a besoin d’une dépréciation réelle pour améliorer son déficit extérieur. Mais même si les prix et les salaires devaient diminuer de 30% dans les prochaines années (ce qui serait probablement insoutenable sur le plan social et politique), la valeur réelle de la dette augmenterait alors fortement, en aggravant l'insolvabilité des gouvernements et des débiteurs privés.

En bref, la périphérie de la zone euro est maintenant soumise au paradoxe de l’épargne : une trop forte  augmentation de l'épargne, conduit trop vite conduit à une nouvelle  récession et engender des dettes encore plus insoutenables. Et ce paradoxe affecte aujourd'hui le noyau lui-même.

Si les pays de la périphérie restent empêtrés dans un piège déflationniste de dette élevée, dans une chute de production, une faible compétitivité et dans des déficits structurels extérieurs, ils pourraient alors être tentés finalement par une troisième option : la cessation de paiement et une sortie de la zone euro. Cela leur permettrait de relancer la croissance économique et la compétitivité grâce à une dépréciation des nouvelles devises nationales.

Bien entendu, une zone euro dans un tel désordre de rupture serait un choc aussi sévère que l'effondrement de Lehman Brothers en 2008, si ce n’est pire. Vouloir l’éviter obligerait les économies du cour  de la zone euro à embrasser la quatrième et dernière option : soudoyer la périphérie pour qu’elle reste dans un état non compétitif de la faible croissance. Il faudrait accepter des pertes massives sur la dette publique et privée, ainsi que des paiements de transfert énormes pour relancer les revenus de la périphérie, pendant que sa production stagne.

L'Italie procède un peu de cette manière depuis des décennies, avec ses régions du Nord qui ont subventionné les régions plus pauvres du Mezzogiorno Mais de tels transferts fiscaux permanents sont politiquement irréalisables au sein de la zone euro, où les Allemands sont des Allemands et où les Grecs sont des Grecs.

Cela signifie également que l'Allemagne et la BCE ont moins de pouvoir qu'elles veulent bien le croire. À moins d’abandonner l'ajustement asymétrique (récession-déflation), qui concentre toutes les douleurs dans la périphérie, en faveur d'une approche plus symétrique (austérité et réformes structurelles sur la périphérie, combinée à la reflation de l'échelle de la zone euro), épave du train de l'union monétaire, au développement ralenti, accélérera pendant que les pays de la périphérie se mettront en cessation de paiement et sortiront de la zone euro.

Le chaos récent en Grèce et en Italie peut constituer la première étape de ce processus. En clair, il n’y a plus aucun moyen pour sortir la zone euro du pétrin. À moins que la zone euro n’évolue vers une plus forte intégration économique, budgétaire et politique (sur une trajectoire compatible à court terme avec une restauration de la croissance, avec la compétitivité et la viabilité de la dette, nécessaires pour résoudre la dette insoutenable et pour réduire les déficits budgétaires et externes chroniques), la déflation-récession va certainement conduire à une rupture désordonnée.

Avec l'Italie trop grande pour échouer, et maintenant au point de non-retour, la fin de la partie a maintenant commencé pour la zone euro. Viendront d’abord les restructurations séquentielles et coercitives de dette, puis les sorties de l'union monétaire, qui mèneront à la désintégration de la zone euro.

Nouriel Roubini est président de Roubini Global Economics, professeur d'économie à la Stern School of Business de l’Université de New York et co-auteur du livre Crisis Economics.


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